La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a donné une base légale à l’organisation d’une résidence alternée des enfants au domicile de leurs parents, en cas de divorce ou de séparation. L’objectif recherché était de permettre aux enfants d’entretenir des relations suivies avec leurs deux parents et de consacrer la parité de l’homme et de la femme dans l’exercice de l’autorité parentale.
Les données chiffrées sur le nombre de divorces, de familles monoparentales, de familles recomposées, de résidences alternées, sont issues de différentes sources (judiciaires, Insee) qu’il s’agit d’harmoniser, ce qui n’est pas toujours simple. Mais on connaît les grandes tendances. Ainsi en France un mariage sur deux se termine par un divorce il est plus difficile d’évaluer les séparations des couples non mariés mais elles seraient équivalentes et, en 2008, 25 % des enfants ne vivaient pas avec leurs deux parents. Dans 52 % des cas, le divorce se déroulait "à l’amiable". En 2003, on estimait que 6 divorces sur 10 concernaient des familles avec au moins un enfant mineur. En cas de conflit persistant 3 ans après le divorce (10 % des cas), un enfant sur cinq en 2005 vivait en famille monoparentale (dans 85 % des cas avec leur mère). Ces chiffres sont issus d’études de l’Insee "qui, souligne le Dr Martin Lebrun, considère qu’une famille est dite monoparentale lorsque l’enfant est en résidence principale avec un parent qui vit seul. Or le terme "monoparental" ne devrait être utilisé que lorsque l’enfant vit avec un des parents qui est seul et n’a plus du tout de contact avec l’autre parent. Quand l’enfant vit avec le parent qui vit seul et voit son autre parent régulièrement, on devrait parler de famille binucléaire".
Largement choisie initialement, rarement effective au bout de 6 mois
Aujourd’hui, on estime à 20 % le pourcentage d’enfants dont les parents sont séparés qui bénéficieraient de la résidence alternée. Ce pourcentage a considérablement augmenté depuis 20 ans puisqu’il concernait 1,5 % des enfants en 1993 et 8,8 % en 2003. Dans les pays européens où la loi est instaurée depuis plus longtemps, le taux de 30 % est atteint mais n’est généralement pas dépassé.
Une étude de la CAF en 2008 montre que si la résidence alternée est principalement choisie après la séparation (85 % des cas), sa fréquence diminue très rapidement pour atteindre 37 % à 3 ans et 8 % à 6 ans. Plusieurs raisons expliquent ce changement. La première est l’âge des enfants qui, en grandissant, acceptent de moins en moins de changer de domicile chaque semaine, en particulier les adolescents qui sont réticents à évoluer selon un schéma figé. Les parents peuvent alors décider de changer le mode de résidence. Les contraintes matérielles (lourdeur de la gestion et de la logistique d’une telle organisation) et les choix de vie, professionnel ou sentimental, sont également en cause.
L’attitude des enfants est variable en cas de résidence alternée. "Il y a ceux, observe E. Martin-Lebrun, qui calculent le temps passé avec l’un et l’autre parent, les activités qu’ils pratiquent avec chacun, il faut que la place du père et de la mère soit la même, il faut qu’il puisse montrer à chacun qu’il les aime autant l’un que l’autre. Il y a ceux qui ont peur que les liens, notamment avec le père, s’amenuisent au fil du temps. Dans notre dernière étude de 2008 (1) qui portait sur plus de 2000 enfants de classe de sixième, 27 % ne vivaient pas avec leurs deux parents et parmi ceux-ci 72 % vivaient principalement avec leur mère et 7 % avec leur père, 20 % étaient en résidence alternée. Parmi les enfants qui vivaient avec leur mère, 16 % ne voyaient plus leur père et parmi ceux qui vivaient avec leur père, 2 % ne voyaient plus leur mère".
Les risques d’une banalisation
Depuis la loi de 2002, la résidence alternée est proposée comme premier choix par les juges. Ce qui implique une certaine banalisation et probablement une absence de réflexion alors que celle-ci existait quand la loi ne reconnaissait pas ce mode de vie. Une banalisation peut conduire à une moindre attention au ressenti des enfants.
Si ce mode de résidence est perçu par les pères comme un droit tout à fait légitime et par les mères comme une opportunité de pouvoir mener une vie personnelle, certains couples qui n’en veulent ni l’un ni l’autre, souvent à cause de recomposition familiale. "En effet, précise E. Martin-Lebrun, le premier facteur de conflit dans une famille recomposée est « l’ex » avec l’enfant né d’une précédente union".
Toujours dans l’étude réalisée en 2008 (1) chez des élèves de classe de sixième, on remarque que l’estime de soi est effondrée chez les enfants dont les parents se disputent, que la famille soit unie ou séparée. En cas de conflits entre des parents séparés, la situation la plus défavorable pour l’enfant est la résidence alternée. Si elle semble plus bénéfique que les autres modes de résidence, en absence de conflits parentaux, elle est plus délétère si de tels conflits existent.
En effet, quand les parents s’entendent, l’estime de soi est identique chez les enfants qui vivent en résidence alternée ou au sein d’une famille unie.
Quel que soit le mode de résidence, il est évident que l’entente parentale (adéquation des objectifs éducatifs et pédagogiques, respect mutuel de la fonction de l’autre) est le paramètre essentiel pour le bien-être de l’enfant.
Entretien avec le Dr Élisabeth Martin-Lebrun, pédiatre, AFPA (Assocation française de pédiatrie ambulatoire)
(1)G.Poussin, E.Martin-Lebrun, R et T. Barumandzadeh
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