La toxine botulique

Efficace dans les séquelles motrices de paralysie cérébrale

Publié le 18/11/2013
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Crédit photo : PHANIE

On avait l’habitude de parler de la spasticité de l’enfant IMC (Infirme moteur cérébral) ou IMOC (Infirme moteur d’origine cérébrale). "Ces terminologies ne s’emploient plus aujourd’hui, précise le Dr Christophe Boulay, on doit parler de paralysie cérébrale, conséquence chez l’enfant d’un AVC anténatal, per natal ou postnatal immédiat. Les séquelles en sont soit des hémiplégies spastiques (il faut plutôt parler d’hémiparésie spastique car la paralysie est rarement complète) soit des diplégies spastiques".

La spasticité est un phénomène complexe alliant hypertonie et hyperexcitabilité du réflexe d’étirement. C’est un trouble de la motricité et de son contrôle. La spasticité est le seul élément accessible à un traitement dans le cadre d’un syndrome pyramidal (par atteinte cérébrale ou médullaire). Le traitement de la spasticité est un élément fondamental dans la prise en charge globale des enfants atteints de paralysie cérébrale. En effet, elle a un retentissement fonctionnel majeur d’autant plus en pédiatrie avec la croissance osseuse et musculaire qui vont aggraver les lésions neuro-orthopédiques. C’est pourquoi l’utilisation de la toxine botulique est un traitement de référence actuellement. Il en est de même pour la dystonie, fréquente (par atteinte des ganglions de la base essentiellement) dans la paralysie cérébrale. Il existe deux toxines botuliques de type A ayant l’AMM en pédiatrie : Botox (Allergan) et Dysport (Ipsen). La toxine botulique est efficace dans certaines maladies neurodégénératives et dans le polyhandicap, notamment quand ces maladies s’accompagnent de grandes crises spastiques douloureuses et/ou de déformations neuro-orthopédiques.

Un effet pendant 3 à 9 mois

La toxine botulique est injectée directement dans le muscle ; il n’y a donc pas de passage systémique. Elle agit au niveau de la synapse en bloquant la libération d’acétylcholine et, ainsi, limite la contraction musculaire. C’est un médicament qui empêche la spasticité de s’exprimer en provoquant une perte de force d’un muscle hypertonique". L’effet de la toxine botulique est limité dans le temps. En effet, une fois la synapse devenue non fonctionnelle, l’axone situé en amont va se développer et coloniser les fibres musculaires qui ne se contractent plus. Grâce à cette repousse axonale ("sprouting"), un muscle injecté va progressivement retrouver sa capacité contractile. L’effet de la toxine dure généralement de 3 à 6 mois mais peut parfois atteindre 9 mois dans le cadre de la spasticité. Dans la dystonie, les effets peuvent se manifester beaucoup plus longtemps.

La toxine botulique a certains effets indésirables. Le soir de l’injection, l’enfant est parfois fatigué."La fatigue peut encore être présente le lendemain et le surlendemain de l’injection, souligne C. Boulay, on n’en connaît pas le mécanisme, on ne sait pas si elle est imputable à l’injection". Le traitement va faire effet rapidement dans les jours qui suivent l’injection. Il est essentiel de prévenir l’enfant et les parents que le schéma de la marche ou la fonction du membre supérieur injecté va se rééquilibrer pouvant provoquer des instabilités, des capacités moindres. "C’est un phénomène normal, précise C. Boulay, le système cérébral et médullaire doit se réadapter (plasticité neuronale d’autant plus en pédiatrie) au nouveau fonctionnement du muscle. Il faut dire aussi que les doses administrées sont proportionnelles au poids de l’enfant. Il y a eu d’exceptionnels accidents gravissimes dont on ne peut pas affirmer qu’ils étaient directement liés à des doses importantes de toxine ou à la conjonction de plusieurs facteurs. Néanmoins, des précautions sont à prendre, notamment une surveillance de la respiration, de la déglutition et de la voix".

Avant l’injection, la peau est toujours anesthésiée avec de l’Emla et on fait respirer à l’enfant du protoxyde d’azote (Entonox®, Kalinox®,...). Le muscle à injecter est localisé selon différents procédés. L’électrostimulation est utile car la palpation seule n’est pas totalement fiable. L’échographie est de plus en plus utilisée pour le repérage.

Quels muscles cibles ?

Là est toute la difficulté. Les muscles cibles sont déterminés par l’interrogatoire, l’examen clinique et d’autres moyens plus objectifs. La vidéo, entre autres, et tous les outils d’analyse quantifiée du mouvement, l’électromyogramme dynamique, la réalité virtuelle… Il est fondamental de pouvoir quantifier le service rendu. L’utilisation de la toxine botulique est totalement inutile si elle n’est pas encadrée par une prise en charge globale notamment en kinésithérapie, ergothérapie, par l’utilisation d’orthèses entres autres. Le but de la rééducation est de solliciter les muscles déficitaires dus à la paralysie cérébrale et de l’intégrer, dans un but de réadaptation, dans les activités de la vie quotidienne. Cependant, en pédiatrie, les déformations présentes précocement vont s’aggraver à cause de la croissance d’où l’intérêt de voir les enfants le plus tôt possible et d’utiliser le traitement par toxine botulique avant la fixation orthopédique des déformations.

Fixer des objectifs

C’est le point clé. Ces objectifs doivent se faire de façon concertée entre l’enfant (quand il peut s’exprimer), les parents et l’équipe médicale, paramédicale qui suit l’enfant : ce sont des objectifs fonctionnels. Il peut s’agir d’améliorer la marche, de faciliter l’hygiène, l’habillage, l’alimentation ou la posture. Une évaluation, en fonction des objectifs, est réalisée quelques mois après les injections pour savoir si les objectifs fixés ont été atteints et faire le bilan pour l’évolution : maintenir l’acquis, améliorer encore la fonction ou d’autres fonctions, empêcher la dégradation… l’enfant étant un adulte en devenir.

D’après un entretien avec le Dr Christophe Boulay, médecin de Médecine Physique et de Réadaptation, service de neurologie pédiatrique Pr B Chabrol, CHU Timone Enfants, Marseille

 Dr Brigitte Martin

Source : Bilan spécialistes