« NOS RÉSULTATS démontrent pour la première fois qu’un faisceau de micro-électrodes sous-rétiniennes fait de 1 500 photodiodes peut recréer une perception visuelle signifiante et détaillée chez des individus aveugles ». Telle est la performance qu’ont accomplie des ophtalmologistes allemands, l’équipe d’Eberhart Zrenner (Tübingen). L’implantation d’une puce sensible à la lumière a permis à trois volontaires, atteints d’une dégénérescence rétinienne, de discerner des objets clairs sur une table noire et pour deux d’entre eux d’en définir les contours. L’un a pu décrire et nommer correctement des objets, tels qu’un couteau ou une fourchette, des formes géométriques, des fruits et même préciser des nuances de gris variant seulement de 15 %. Il a été capable de localiser et d’approcher une personne dans une pièce. Il a pu lire des mots formés de grandes lettres.
Le réseau nerveux indemne.
Pour tenter une telle intervention les chercheurs sont partis d’un fait établi. Au cours des dégénérescences rétiniennes, si les photorécepteurs sont progressivement détruits, les cellules nerveuses continuent de fonctionner. C’est sur cette base qu’E. Zrenner et coll., ainsi que d’autres équipes, ont eu l’idée de tenter une stimulation électrique de ce réseau nerveux indemne pour recréer la vision.
Le principe est donc de remplacer la fonction des photorécepteurs dégénérés par un système capable de transférer point par point la lumière arrivant sur la rétine. Le transfert se fait ensuite par un courant électrique dont l’intensité est proportionnelle au stimulus lumineux.
Pour y parvenir, les chercheurs ont mis au point un implant (le MPDA, pour microphotodiode array) de 1 500 microphotodiodes, dont la forme rappelle celle d’une puce informatique. Sa spécificité est d’attribuer à chacune des microphotodiodes (15x30 µm) un amplificateur et une électrode (50x50 µm). Les stimuli lumineux sont capturés plusieurs fois par seconde par les éléments, ou pixels, des photodiodes. Les signaux sont amplifiés puis convertis en décharges électriques sur 16 électrodes terminales au contact des neurones. La luminosité perçue par le patient dépend alors de l’intensité du courant électrique.
Circule par voie en sous-cutanée.
L’implant constitue l’extrémité terminale d’un faisceau électrique de 26 cm, sous gaine en silicone. La majeure partie (20 cm) circule par voie sous-cutanée. L’insertion est réalisée par une incision rétro-auriculaire à l’aide d’un tube en acier. Il est poussé jusqu’au bord latéral de l’orbite, puis dans la cavité orbitaire jusqu’au globe oculaire. Une incision est réalisée. La rétine est décollée par injection d’eau salée dans le quadrant temporal supérieur. Après préparation d’un lambeau scléral, l’implant est poussé depuis l’extérieur le long de son guide jusqu’à son emplacement définitif, dans une zone juxta-maculaire. Une huile siliconée est enfin injectée dans la cavité oculaire afin de maintenir la rétine.
Ce travail expérimental expliquent les auteurs ouvre la voie à la restauration de la rétine grâce à des prothèses rétiniennes électroniques. Il montre qu’une telle intervention est possible. Elle s’adressera à des patients atteints d’une dégénérescence de la rétine qui ne peuvent bénéficier d’une thérapie génique et/ou d’agents neuroprotecteurs. « L’avantage de notre approche se fonde sur le fait que tous les éléments de l’appareillage peuvent être implantés de façon invisible, que le traitement rétinien de l’image peut être mis en œuvre et qu’une image stable, en continu est perçue avec une résolution inégalable ». Ils soulignent que bien des étapes restent à parcourir avant d’obtenir ce qu’ils décrivent comme une vision stable, au contraste majoré, avec une bonne résolution spatiale et un champ visuel élargi, grâce à l’implantation de plusieurs « puces ». Ils considèrent que l’essai réalisé chez ces trois patients constitue une preuve du concept : il est possible d’offrir une forme de basse vision à des patients totalement aveugles.
Proc. R. Soc. B, publié en ligne le 3 novembre 2010, doi :10.1098/rspb.2010.1747.
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