LE LIMBE, même un peu endommagé, peut venir au secours de la cornée. C’est ce qu’ont montré des chercheurs de l’Institut San Raffaele en greffant des cellules souches autologues du limbe controlatéral chez 112 patients ayant eu la cornée brûlée. La régénération de cornée dépend, en effet, de cette zone anatomique qui fait la jonction entre la sclérotique et la cornée. Une zone aussi précieuse qu’étroite, puisqu’il s’agit du réservoir de cellules souches nécessaires à la cornée. Si ce réservoir est détérioré, la cicatrisation alors assurée par les cellules de la sclère est anormale avec opacité cornéenne et cécité.
L’équipe milanaise de Graziella Pellegrini a surmonté le problème d’un stock déficitaire en mettant en culture les rares cellules souches encore présentes dans le limbe avant de les transplanter. Chez 112 patients traités par greffe, 76,6 % des yeux ont retrouvé un épithélium cornéen transparent, restant stable au fil du temps, jusqu’à plus de 10 ans au cours du suivi. Seule ombre au tableau, il faut qu’il reste malgré tout suffisamment d’une sous-population particulière de cellules souches, appelées holoclones facilement repérables par le marquage p63. Si ces holoclones représentaient plus de 3 % de la culture cellulaire, le succès était assuré chez 78 % des patients. En revanche, à moins de 3 % du nombre total, seuls 11 % des participants montraient de bons résultats.
Brûlures, douleurs, photophobie.
Pour obtenir les cellules souches, une biopsie du limbe controlatéral était réalisée, avant la mise en culture sur fibrine, un substrat naturel connu pour préserver les holoclones. Les résultats de la greffe étaient évalués à 1 an, sur le fait que l’épithélium cornéen se régénère en 9 à 12 mois. Le succès était défini par la disparition de l’ensemble des symptômes (brûlures, douleurs, photophobie) et par une surface cornéenne transparente, avasculaire et stable. Le succès n’était que partiel si malgré la quasi-disparition des symptômes, une néovascularisation superficielle était réapparue. L’échec était défini par la présence de symptômes, de lésions épithéliales, de pannus et d’inflammation.
Dans l’étude, 113 yeux de 112 patients ont été étudiés entre 1998 et 2006. En cause dans l’atteinte du limbe, il s’agissait essentiellement de brûlures chimiques (n=103; 83 par bases, 16 par acides et 4 autres), mais aussi thermiques (n=7). Deux patients avaient eu une infection bactérienne et un autre une irradiation orbitaire. L’atteinte lésionnelle était unilatérale pour 87,5 % des sujets, bilatérale pour 12,5 %. Seuls deux patients présentaient un déficit sévère en cellules souches du limbe.
La plupart des yeux (84 %) avaient déjà été traités par chirurgie sans grand succès, probablement en raison d’un nombre insuffisant de cellules souches résiduelles. Vingt-huit patients ont eu une kératoplastie unique, 20 de multiples interventions. L’acuité visuelle optimale après correction était de moins de 0,1, c’est-à-dire perception de la lumière, mouvement des mains et compter les doigts.
Marquage p63.
À un an de la chirurgie, 107 transplantations ont pu être évaluées des 106 patients restants. Un succès était constaté pour 82 yeux (76,6 %), un succès partiel pour 14 yeux (13,1 %) et un échec pour 11 yeux (10,3 %). Les greffons ayant bien pris à 1 an le sont restés ensuite au cours du suivi, avec une cornée avasculaire transparente recouverte d’un épithélium cornéen normal. L’acuité visuelle était restaurée en cas de stroma intact et améliorée après chirurgie correctrice à distance en cas de stroma cicatriciel.
Le marquage p63, spécifique de la population des holoclones parmi les cellules souches du limbe, s’est révélé prédictif du succès de la greffe. Avec au moins 3 % des cellules marquées en culture, la régénération cornéenne était observée chez 78 % des yeux. Pour un pourcentage inférieur, le succès n’était obtenu que dans 11 % des cas. D’après les auteurs, seules les cultures ayant plus de 3 % des cellules marquées p63 doivent être considérées comme utilisables pour la transplantation. Si l’équipe milanaise utilise désormais ce critère pour décider d’une transplantation, ce n’est pas le seul facteur déterminant dans le succès de l’intervention, en particulier la gravité des lésions initiales et la survenue de complications.
N Engl J Med, 2010 ; 363 : 147-55.
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