La prévalence de la myopie atteint en France 42,3 % chez les 20 à 30 ans, augmentant avec le niveau d’études. Des chiffres qui interpellent au moment où commencent les journées nationales d’information et de dépistage de la myopie, du 21 au 25 novembre. « En 2050, on estime que 50 % de la population française sera myope, avec 10 % de ces myopes considérés comme atteint de myopie maladie », prédit la Pr Béatrice Cochener du service d'ophtalmologie du CHRU de Brest.
« C'est en Asie que l'on a eu les premiers signes d'une augmentation de la prévalence de la myopie, y compris de la myopie forte », se souvient la Pr Cochener. Dans une série d'articles qui ont fait date, en 2012, des épidémiologistes avaient estimé que 80 à 90 % des enfants scolarisés en Chine, à Taïwan, à Hong Kong, à Singapour et en Corée du Sud étaient atteints de myopie. En une quinzaine d'années, la prévalence de la grande myopie a été multipliée par six dans ces pays. Cette épidémie touche maintenant l'Europe, comme en témoigne une méta-analyse de 2014, selon laquelle la myopie affecterait 23,8 % de la population générale, et la myopie forte 2,1 % (1).
Sédentarité et écrans
Cette augmentation de la myopie est attribuée à des facteurs environnementaux, et en particulier l'augmentation de la sédentarité. L'hypothèse serait que la sédentarité diminue l'exposition à la lumière naturelle, qui normalement favorise la production de la dopamine au niveau de l'épiphyse. La dopamine a, entre autres rôles, celui de ralentir voire stopper la croissance de l'œil. Un effet délétère qui s'ajoute à l'exposition aux écrans et à ses importants efforts de fixation.
La campagne de cette semaine, outre le dépistage proprement dit, « est l'occasion de rappeler des messages forts de santé publique pour les enfants comme passer au moins deux heures par jour dehors, et contrôler ses temps d'écran, précise la Pr Cochener. Les écrans ne constituent pas le risque lésionnel mais favorise le passage à une myopie forte. » La campagne insiste sur les signes d'alerte : difficulté à voir de loin, confusion de lettres et, plus rarement, céphalées. Ces dernières surviennent plus volontiers quand il y a une myopie associée à une astigmatie.
Dépister avant huit ans
Outre les problèmes d'apprentissage, le dépistage très précoce a un intérêt à long terme. « À partir de 8 ans, la vision est figée et l'on ne va pas pouvoir travailler pour obtenir une vision optimale, surtout en cas d'amblyopie, c’est-à-dire quand le défaut est inégal entre les deux yeux. Le mauvais œil ne va pas réussir à se développer », explique la Dr Cochener. Ces myopies dissymétriques sont particulièrement problématiques.
Une myopie forte non prise en charge est en outre associée à un étirement et une fragilisation de la rétine, en particulier en son centre, là où se trouvent le nerf optique et la macula. Les patients ont alors un surrisque de maculopathie ou de décollement de la rétine. À encore plus long terme, la myopie maladie est associée à un risque de glaucome et de perte de vision.
De nouvelles stratégies thérapeutiques
Une fois le diagnostic posé, les stratégies de prise en charge dépendent du type de myopie. La correction par lunettes est le moyen le plus souvent employé. Si la myopie est très sévère, le risque d'évolution est important. « On voit l'enfant tous les 6 mois, et si la myopie augmente, la stratégie va rapidement inclure la lentille de contact pour essayer de ralentir le processus d'évolution », précise la Pr Cochener. En cas de forte asymétrie, une occlusion de l'œil le moins atteint par un cache est possible afin de forcer l'œil myope à travailler plus activement, complète la Pr Cochener.
Les myopies les plus évolutives peuvent être orientées vers les verres freinateurs, disponibles depuis deux ans, mais dont l'efficacité est en cours d'évaluation. Les lentilles de journée ou la nouvelle génération de lentilles de nuit (orthokératologie) sont également envisageables. Si le défaut n'a pas évolué pendant au moins 2 ans, et après la majorité du patient, la solution chirurgicale basée sur le laser peut être évoquée.
(1) On qualifie de petite myopie, une myopie allant de -0,5 à -4 dioptries, de myopie modérée celle comprise entre -4 et -8 dioptries, et de myopie forte au-delà de -8 dioptries. La qualification de myopie maladie est attribuée quand il y a en plus un retentissement anatomique de la myopie, avec un allongement de la rétine.
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