D'après une étude menée à partir de la cohorte française NutriNet-Santé, une exposition alimentaire élevée aux nitrites est associée à un risque accru de développer un diabète de type 2. Les résultats sont décrits dans « Plos Medicine ».
On retrouve les nitrites et les nitrates dans plus de 15 000 produits emballés sur le marché français. Utilisés comme additifs alimentaires - en particulier dans la charcuterie pour augmenter la durée de conservation des produits et pour leur rôle antimicrobien -, ils sont aussi naturellement présents dans certains aliments comme les légumes ainsi que dans l’eau et les sols. Ils se retrouvent également dans notre alimentation à travers la contamination des eaux et des sols liée aux pratiques agricoles, comme l'épandage d'engrais.
Des effets suggérés sur les mécanismes du diabète
« Il s'agit de la première étude de grande ampleur menée chez l'homme qui a pu quantifier l'ensemble des sources de nitrites et les mettre en lien avec le risque de diabète de type 2 », indique au « Quotidien » Mathilde Touvier, directrice de recherche Inserm, qui a copiloté cette étude.
Des études expérimentales et des études chez l'homme de court terme avaient déjà suggéré un effet des nitrites sur l'insulinorésistance et les voies métaboliques associées au diabète. À la connaissance des chercheurs, seule une étude iranienne menée auprès de 2 193 individus a montré un lien entre apport élevé en nitrites et diabète de type 2 chez des participants ayant de faibles apports en vitamine C, mais cette étude ne faisait pas la distinction entre les différentes sources de nitrites et de nitrates ni ne quantifiait les apports, contrairement à la récente étude française.
Un risque accru de 53 % pour les additifs
La cohorte NutriNet-Santé inclut 104 168 participants suivis entre 2009 et 2021, d'âge moyen 42,7 ans, avec 79,1 % de femmes.
Pour évaluer leur apport en nitrites et en nitrates, les chercheurs ont eu recours à des outils validés. « Nous disposions d'enregistrements alimentaires sur 24 heures pendant lesquelles les participants renseignent tout ce qu'ils consomment en termes de boissons et d'aliments, en précisant le nom et la marque des produits afin que nous puissions précisément évaluer la composition en additifs », explique Mathilde Touvier. Les participants ont rempli une série de trois enregistrements alimentaires de 24 heures à l'inclusion et tous les six mois. Pour éliminer les biais de confusion, les chercheurs ont par ailleurs ajuster les données sur différents facteurs autres que l'exposition aux nitrites et aux nitrates, comme la consommation d'alcool et l'activité physique.
En regardant la consommation de nitrites totaux, c'est-à-dire quelle que soit la source, les chercheurs ont montré que les personnes qui y sont les plus exposées ont un risque significativement accru de 27 % de développer un diabète de type 2 par rapport aux personnes les moins exposées. Et en prenant en compte uniquement les nitrites provenant des additifs (notamment les nitrites de sodium), le risque monte à 53 % ; il est de 26 % pour les additifs venant d'autres sources.
Un effet des nitrates pas exclu
En revanche, aucune association n'a été mise en évidence pour les nitrates. Pour expliquer cette différence entre nitrites et nitrates, Mathilde Touvier évoque le taux de conversion des nitrates en nitrites. « Les nitrates se transforment en nitrites dans notre organisme, dès le début de la digestion dans la bouche. Mais seuls 20 à 25 % des nitrates sont transformés en nitrites, et environ 20 % de ces nitrites sont transformés en composés nitrosés comme les nitrosamines, qui sont les composés potentiellement dangereux », détaille-t-elle, précisant que « cela n'exclut pas un effet des nitrates en vie réelle, mais cet effet est peut-être plus dilué que celui des nitrites ».
L'étude ne montre par ailleurs aucun bénéfice des nitrites et des nitrates. « Nous nous étions posé la question d'un éventuel bénéfice, car des études expérimentales ou cliniques de court terme suggéraient des effets protecteurs cardiovasculaires des nitrates, notamment ceux présents naturellement dans les végétaux, souligne la chercheuse. Nous n'avons pas retrouvé cet effet protecteur ni dans le diabète de type 2 ni dans notre récente étude parue dans le "JAHA" sur la santé cardiovasculaire. »
Une réflexion autour de la réglementation en cours
Si ces résultats concernant l'effet des nitrites sur le diabète de type 2 doivent être confirmés par d'autres études, ils vont toutefois dans le sens des messages actuels prônés par le Programme national nutrition santé (PNNS) invitant à ne pas dépasser 150 grammes par semaine de charcuterie.
En effet, les effets délétères des nitrites et des nitrates ont déjà été mis en évidence. Ainsi, dans son rapport d’expertise collective de juillet 2022, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait conclu à l'existence d’une association positive entre le cancer colorectal et, d'une part, l’exposition aux nitrates via l’eau de boisson et, d'autre part, l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée.
« Nos résultats justifient encore davantage les réflexions qui ont lieu à l'heure actuelle pour modifier la réglementation à différents niveaux. Un groupe interministériel pluridisciplinaire a été constitué en ce sens », note Mathilde Touvier. Des réflexions sont également menées du côté des pratiques agricoles pour limiter la contamination de l'environnement et donc des aliments.
*Toutes les personnes âgées de 15 ans et plus peuvent participer à l'étude NutriNet-Santé. Pour plus d'informations : etude-nutrinet-sante.fr
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