Recourir systématiquement à la chirurgie chez les patients victimes d’un AVC causé par un rétrécissement de l’artère carotide pourrait ne pas être pertinent. Dans la majorité des cas, l’approche médicamenteuse suffirait pour traiter l’AVC en cours et prévenir les récidives, selon des travaux menés par une collaboration de chercheurs du University College de Londres, du centre médical universitaire d’Amsterdam et l'Université de Bâle.
Il y a 30 ans, plusieurs grandes études avaient montré qu'une opération de revascularisation de l'artère carotide réduisait le risque de récidive d'AVC. Ces résultats constituent depuis le principal argument des recommandations françaises et internationales actuelles, qui stipulent qu’un AVC provoqué par une occlusion artérielle proximale, dont les symptômes datent de moins de 4 h 30, doit être, sauf contre-indication à la thrombectomie, traité par revascularisation mécanique (endartériectomie carotidienne ou stenting carotidien selon le niveau d’occlusion et la présence ou non de symptômes). Ces opérations restent risquées, et les auteurs de cette nouvelle étude estiment que leurs données plaident en faveur d’une révision des recommandations mondiales.
Les traitements ont évolué en 30 ans
« Les médicaments administrés en complément de la chirurgie, tels que les anticoagulants, les statines, et les traitements pour l'hypertension, ont considérablement progressé en 30 ans », expliquent dans The Lancet Neurology les chercheurs qui ont voulu savoir si la chirurgie carotidienne est encore nécessaire pour tous les patients. Au cours de leur étude, appelée ECST, ils ont suivi 429 patients recrutés dans 30 centres européens et canadien, entre 2012 et 2019. Ces patients présentaient tous un risque faible ou modéré de récidive d'AVC dans les deux ans suivant leur prise en charge, selon une évaluation faite avec le score CAR (carotid artery risk). Le score CAR est un outil récent développé par l’University College de Londres et l’université d’Oxford. Il prend en compte plusieurs facteurs, dont le niveau de rétrécissement carotidien et les antécédents médicaux.
Les patients ont été répartis aléatoirement en deux groupes : l’un recevant uniquement des traitements antiagrégants et anticoagulants et l’autre bénéficiant également de la chirurgie standard. Le critère primaire d’évaluation était un score composite de probabilité de survenue de décès, de récidives d’AVC, d’infarctus ou d'AVC non symptomatique mais visible à l’IRM. Au bout de deux ans de suivi, un peu plus de 11 % des participants des deux groupes avaient souffert de l’une ou l’autre de ces comorbidités, sans différence significative entre les groupes.
Vers une révision des recommandations
Si des études de suivis sont nécessaires pour confirmer ces données, les auteurs estiment néanmoins qu’il serait judicieux d’utiliser dès à présent le score CAR pour identifier les patients pouvant être traités efficacement par médicaments, seuls. « Il faut privilégier une évaluation personnalisée et un traitement intensif des facteurs de risque vasculaires, écrivent-ils. Cela éviterait des opérations invasives et réduirait les coûts de santé », et ce d’autant que, selon les estimations, jusqu’à 75 % des patients pris en charge pour un AVC ischémique lié à l’obstruction d’une artère carotidienne sont à risque faible ou modéré de récidive selon le score CAR.
En attendant une éventuelle révision des recommandations, les recherches futures devront préciser quels patients présentent un risque suffisamment élevé pour nécessiter une intervention chirurgicale en complément des médicaments. La clé pourrait résider dans les nouvelles techniques d’imagerie avancées permettant de mieux cibler ces patients à haut risque. « La chirurgie systématique pour les patients à faible ou moyen risque ne devrait plus être la norme », prédisent les auteurs.
Pour la Dr Louise Flanagan, qui dirige le département de la recherche à la Stroke Association, finançant ces travaux, ils sont aussi une démonstration des opportunités ouvertes par le score CAR pour « éloigner les inconvénients de la chirurgie et du stenting, en identifiant les patients qui pourraient bénéficier d’une combinaison de traitement médical et de changement de mode de vie. »
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