VINGT-CINQ ans après les premières interventions chirurgicales recourant à la stimulation cérébrale profonde (SCP)* pour traiter la maladie de Parkinson, réalisées par Alim-Louis Benabid, neurochirurgien, et par Pierre Pollak, neurologue, tous les deux à l’époque professeurs de l’Université Joseph Fourier (UJF) et praticiens au CHU de Grenoble, la cité alpine est pour trois jours redevenue la capitale mondiale de cette technique opératoire emblématique. Neurochirurgiens, neurologues, psychiatres, psychologues et chercheurs en neurosciences du monde entier se sont retrouvés dans le berceau de cette technique pour évoquer son passé et son présent, échanger sur les dernières avancées, sur le futur à lui donner et rendre hommage au charismatique « couple » de ses concepteurs : Benabid-Pollak.
Initié par les Prs Elena Moro, Stéphan Chabardes et Paul Krack, le symposium organisé par le CHU, le Grenoble Institut de Neurosciences, l’UJF et l’INSERM, avec l’aide de la Ville de Grenoble, a fait intervenir d’éminents spécialistes internationaux.
Un exemple de sérendipité
Les participants ont rappelé la belle histoire de cette découverte. L’idée d’utiliser le courant électrique à haute fréquence pour traiter le mouvement anormal a germé dans l’esprit du Pr Benabid, grenoblois, neurochirurgien et docteur en physique, au cours de l’intervention, en janvier 1987, d’un malade souffrant d’un tremblement essentiel.
Alors qu’il était parti pour une thalamothomie et faisait des vérifications d’usage pour localiser la zone à léser, il a eu l’idée de tester une fréquence autre que les 50 Hz, utilisés depuis Penfield. 100 Hz se sont avérés inhibiteurs. Il a alors implanté les électrodes de stimulation – en improvisant avec celles utilisées pour le traitement de la douleur – et a demandé l’analyse neurologique à son collègue, le Pr Pollak. Le Pr Benabid y voit un exemple de sérendipité : il souhaitait parvenir à un traitement non définitif, ses compétences en physique l’ont aidé à penser à une solution « physique » et cet état d’esprit lui a permis de se rendre compte de l’effet de la haute fréquence qui s’est produit sous ses yeux.
Cette première se transformera en une innovation médicale majeure, l’analyse neurologique minutieuse ayant pu compléter le travail opératoire. Néanmoins, la SCP mettra plusieurs années pour s’imposer en tant que la technique opératoire de référence, grâce à son efficacité et à la persévérance de ses pères.
En parallèle, elle continuera à évoluer et à s’améliorer, tant sur le plan matériel qu’opératoire. Il y a 20 ans, après de nombreuses expérience animales réussies, la même équipe grenobloise brisera un tabou, en posant l’électrode dans le noyau subthalamique, considéré alors comme l’endroit où il ne fallait pas aller. L’effet sur le patient sera si convaincant, que le STN de son petit nom, deviendra un standard.
60 000 patients opérés.
Les discussions animées du Symposium ont néanmoins rappelé que malgré sa relative ancienneté, les quelque 60 000 patients opérés pour une maladie de Parkinson à ce jour, plusieurs cohortes suivies et de nombreuses réussites opératoires indéniables, ce qui semble pouvoir permettre le recul nécessaire, la SCP pose encore des questions à ses spécialistes d’autant que l’on ne sait pas encore avec certitude pourquoi la stimulation marche et si, appliquée tôt, elle pourrait avoir un effet protecteur sur la neurodégénérescence.
Au vu de la richesse des échanges au cours du Symposium, de la cohésion de cette communauté qui étudie, pratique et évalue la SCP, et de son souci pour les gains en qualité de vie pour les malades et leurs familles, il y a au moins deux certitudes : cette technique a encore de beaux jours devant elle et ses pères fondateurs Benabid et Pollak, aujourd’hui respectivement le Conseiller scientifique de Clinatec à Grenoble et Professeur l’Université de Genève, ont une haute estime de leurs collègues.
* Deep Brain Stimulation
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