Déjà en cause dans les formes familiales

La SOD1 impliquée dans la SLA sporadique

Publié le 22/10/2010
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LA SCLÉROSE LATÉRALE amyotrophique, ou maladie de Charcot, est une maladie dégénérative des motoneurones qui se déclare généralement entre 50 et 70 ans et réduit considérablement l’espérance de vie. On sait depuis 1993 que les formes familiales de SLA (10 % des cas) peuvent être causées par des mutations du gène SOD1, qui encode l’enzyme superoxyde dismutase cuivre/zinc 1. La destruction des motoneurones semble résulter d’un gain de fonction toxique (plutôt qu’une perte de fonction) et les hypothèses actuelles suggèrent que des modifications de conformation de SOD1 découlant des mutations entraînent un mauvais pliage (misfolding) de la protéine SOD1 et son agrégation ultérieure.

En revanche, l’étiologie de la SLA sporadique, qui représente 90 % des cas de SLA, est largement inconnue.

Les deux formes, familiale et sporadique, de la SLA sont similaires sur le plan clinique et neuropathologique, ce qui suggère que ces deux maladies convergent vers une voie pathogénique commune et/ou mettent en jeu des facteurs toxiques similaires.

Une étude de Bosco et coll., publiée dans « Nature Neuroscience », apporte un nouvel éclairage.

Les chercheurs ont utilisé un anticorps (C4F6), récemment développé, qui reconnaît spécifiquement l’anomalie de conformation des SOD1 mutantes liées aux formes familiales de SLA. Cet anticorps ne reconnaît pas les SOD1 normales de phénotype sauvage.

Ils montrent que la forme oxydée de SOD1 de type sauvage, ou SOD1ox (oxydée par exposition au peroxyde d’hydrogène), est reconnue par l’anticorps et partage un même épitope conformationnel avec la SOD1 mutante.

Lorsqu’on analyse des échantillons de moelle épinière de patients décédés de la forme sporadique de SLA (ou SLAS), certains échantillons montrent une immunoréactivité avec l’anticorps (4 sur 9, contre 0 sur 17 échantillons témoins), ce qui révèle la présence de SOD1 mal pliée de phénotype sauvage dans la moitié des cas de SLA sporadique.

Ainsi donc, la protéine SOD1 peut devenir pathogène à travers des modifications non héritées (par exemple par oxydation), ce qui vient à l’appui de l’hypothèse selon laquelle des anomalies conformationnelles de la SOD1 de phénotype sauvage peuvent être impliquées dans la pathogenèse de la SLA.

De plus, les expériences fonctionnelles montrent que la SOD1ox de type sauvage et la SOD1 de type sauvage isolée des tissus de patients SLAS inhibent le transport axonal rapide, basé sur la kinésine, de la même manière que la SOD1 mutante des SLAF.

« Nos résultats mettent en cause la protéine SOD1 de phénotype sauvage dans la forme sporadique de la SLA », explique au « Quotidien » le Dr Daryl Bosco (University of Massachusetts Medical Center, Worcester). « Nous montrons in vitro que des modifications de SOD1 (oxydation) amènent la protéine SOD1 de phénotype sauvage (SOD1-PS) à se comporter comme les formes mutées toxiques de SOD1. De plus, nous détectons des formes modifiées anormales de la SOD1-PS dans les prélèvements de moelle épinière de patients atteints de SLA sporadique, et montrons que ces protéines récapitulent aussi les effets toxiques des protéines mutantes SOD1. »

Implications cliniques.

« La SOD1 de phénotype sauvage pourrait donc représenter une cible thérapeutique pour les formes sporadiques de SLA. Nous avons bon espoir que des traitements ciblant la SOD1 pourront être évalués prochainement. Actuellement, les approches ARNi et immunothérapeutiques ciblant la SOD1 mutante sont en développement dans des laboratoires universitaires et industriels. Ces approches pourraient donc être étendues afin de cibler la protéine SOD1-PS dans les cas sporadiques de SLA », laisse entrevoir le Dr Bosco.

« Nos prochaines étapes seront de caractériser les propriétés biochimiques, structurelles et toxiques des protéines SOD1-PS modifiées qui ont été détectées dans les échantillons de patients atteints de SLA sporadique. Ces expériences nous permettrons de mieux définir la cible SOD1-PS dans la SLA sporadique, et pourraient conduire à un biomarqueur pour la SLA sporadique. »

« Il faut souligner que ces études révèlent la protéine SOD1 comme un lien commun entre les formes sporadiques et familiales de la SLA. Jusqu’ici, il n’y avait aucun facteur liant les deux formes de la maladie. »

Nature Neuroscience 17 octobre 2010, Bosco et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8842