LE QUOTIDIEN DU MEDECIN : Comment mesurer la perte de motoneurones ?
Dr PIERRE-FRANÇOIS PRADAT : Fruit d’une collaboration entre les équipes d’imagerie et de neurologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, notre travail, SPINE, étudie l’intérêt de l’IRM à haut champ pour évaluer la gravité des maladies de la moelle épinière et prédire leur évolution, que celles-ci soient le résultat d’un traumatisme de la moelle ou dégénératives, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou l’amyotrophie spinale. L’IRM est normalement réalisée dans le cadre du bilan initial des maladies dégénératives, jusqu’ici pour écarter un diagnostic différentiel (compression de la moelle épinière par exemple). Des champs magnétiques importants (3 Teslas) et des méthodes modernes d’analyse du signal IRM aujourd’hui permettent d’analyser des structures plus fines, à l’image des faisceaux de la moelle (dont le diamètre est d’un cm) et de mettre en évidence une atrophie.
Le degré de handicap est-il corrélé à l’atrophie ?
C’est le cas dans la SLA où le degré de handicap est apprécié par des échelles, de testing musculaire (la force de chacun des muscles y est notée de 0 à 5) et fonctionnelle (la capacité à écrire, à se servir de couverts, etc.). La perte de force est ainsi objectivée et le degré de handicap mesuré. Dans un travail antérieurement publié sur 29 patients SLA, le niveau de handicap était effectivement corrélé à la surface de moelle perdue (reflet de la mort des motoneurones) calculée sur l’IRM. Une corrélation entre l’atrophie de la moelle et l’atteinte clinique (score ASIA) a été également retrouvée chez 14 patients souffrant d’un traumatisme de la moelle. Enfin, nous venons de présenter, lors du dernier congrès européen sur les maladies des motoneurones, une étude qui concernait 19 patients atteints d’amyotrophie spinale de l’adulte. Nous avons pu montrer que l’atrophie prédominait dans les régions de la moelle qui contrôlent la musculature proximale des membres, celle qui justement est la plus affectée.
Quelle est l’utilité d’un tel marqueur ?
Dans la SLA, nous avons mis en évidence que l’atrophie s’accroît au cours du temps et accompagne l’aggravation clinique, le degré d’atrophie constituant un marqueur prédictif du degré de handicap à un an. Ce type d’outil pourra à l’avenir aider à la prise en charge, en fonction du niveau de handicap prédit sur l’atrophie. Enfin, il devrait être un outil précieux pour évaluer l’efficacité de nouveaux traitements qui ralentiraient l’évolution, comme la thérapie génique de l’amyotrophie spinale notamment. Une nouvelle étude, qui débutera en 2015, s’attachera au suivi longitudinal par IRM de ces affections de la moelle, pour déterminer le rythme d’aggravation et ainsi fixer les moments clés d’évaluation par l’IRM des effets des candidats médicaments dans les essais thérapeutiques.
Pradat PF, El Mendili MM. Neuroimaging to Investigate Multisystem Involvement and Provide Biomarkers in Amyotrophic Lateral Sclerosis. Biomed Res Int. 2014; :467560. Epub 2014 Apr 17
El Mendili MM, Cohen-Adad J, Pelegrini-Issac M, Rossignol S, Morizot-Koutlidis R, Marchand-Pauvert V, Iglesias C, Sangari S, Katz R, Lehericy S, Benali H, Pradat PF (2014). Multi-parametric spinal cord MRI as potential progression marker in amyotrophic lateral sclerosis. (2014). PLoS One. 2014 Apr 22;9(4):e95516.
*Association Française contre les myopathies ; Institut pour la Recherche sur la Moelle osseuse et l’Encéphale
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