CETTE DÉCOUVERTE majeure se situe dans le prolongement de travaux récents ayant montré que l’inoculation d’homogénats de cerveau contenant des agrégats d’Aß à des souris transgéniques « sensibles » (exprimant une forme mutée de la protéine précurseur de l’amyloïde, APP) accélère le processus de dépôt cérébral du peptide (Morales et coll., 2011 ; Rosen et coll., 2012). Par ailleurs, la simple observation que des sujets porteurs de la forme mutée d’APP ne développent généralement la maladie qu’autour de la cinquantaine suggère que des prions Aß sont nécessaires au déclenchement de l’AD.
Un signal accru.
Pour apporter la preuve « irréfutable » de ce qui n’était jusqu’ici que pressenti, l’équipe de Kurt Giles et Stanley Prusiner a créé un modèle de souris bigéniques (Tg APP23:Gfap-luc), obtenues par le croisement de souris exprimant la luciférase sous le contrôle du promoteur Gfap (protéine fibrillaire de la glie) et de souris transgéniques (Tg) exprimant l’APP humaine à double mutation de type suédois. Ces souris ont reçu une inoculation intra-cérébrale (hémisphère droit) d’homogénats issus de souris Tg âgées porteuses de la double mutation suédoise (Tg APP23) ou de cette mutation et des mutations Indiana (TgCRND8). Les chercheurs ont effectué une étude par bioluminescence (BLI) qui permet de suivre, chez des souris vivantes, le destin des agrégats d’Abêta après leur inoculation. Dans les deux cas le signal d’imagerie BLI est accru, par rapport aux rongeurs ayant reçu l’homogénat contrôle.
Afin d’apporter une preuve plus directe de l’existence d’Aß prions, les auteurs ont ensuite testé des fractions purifiées contenant 15 à 20 fois plus de peptide amyloïde que les homogénats bruts. Le signal BLI est alors encore plus franc (apparaissant 161 à 173 jours après l’inoculation [dpi], vs 238 à 261 dpi pour les homogénats bruts, soit une réduction d’environ 40 % de la période d’incubation) et des dépôts d’Aß sont observés de manière diffuse dans les deux hémisphères (à partir d’une inoculation dans un seul hémisphère). Pour s’assurer que d’autres facteurs n’intervenaient pas dans cette auto-propagation, les chercheurs ont répété la même épreuve avec des peptides d’Aß synthétiques : Aß(1-40) et Aß(1-42). Ces derniers induisent un signal BLI accru à 229 à 234 dpi et les concentrations en Aß(1-40) et Aß(1-42) sont quadruplés ou quintuplés après inoculation. Là encore, les dépôts amyloïdes sont étendus à plusieurs régions cérébrales (hippocampe et thalamus essentiellement) et aux deux hémisphères.
Un des événements les plus précoces.
K. Giles et coll. estiment avoir ainsi apporté la preuve formelle que le peptide amyloïde bêta est bel et bien un prion. L’inoculation des agrégats d’Aß aux souris bigéniques utilisées dans ces travaux est suivie de dépôts amyloïdes diffus et bilatéraux, comme le montre l’imagerie par bioluminescence. La confirmation de ces observations avec un Aß purifié ou synthétique suggère que le peptide amyloïde ne requiert l’intervention d’aucun facteur supplémentaire pour s’auto-propager, une caractéristique des prions.
Les Californiens sont amenés à émettre l’hypothèse que la formation et la diffusion des prions Aß constitue un des événements les plus précoces de la maladie d’Alzheimer et que le développement d’interventions thérapeutiques ciblées sur le peptide amyloïde pourrait dès lors avoir un impact majeur sur l’évolution de la maladie. Mais ils remarquent aussi que les cas de méningoencéphalites observés, il y a quelques années, après un essai d’immunisation par un Aß synthétique (et ayant conduit à son interruption) pourraient s’expliquer par le mécanisme pathologique aujourd’hui mis à jour, à savoir la nature de prion de l’Aß.
Giles Kurt et coll. Purified and synthetic Alzheimer’s amyloid beta (Aß) prions. Proc Natl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne.
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