Trois millions de personnes souffrent de maladie rénale chronique et près de 90 000 sont au stade de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT, stade 5), requérant une transplantation rénale ou la mise en place d’un traitement de suppléance par hémodialyse ou dialyse péritonéale. L’hémodialyse à domicile a pris son essor dès le début des années 1970 et la dialyse péritonéale dix ans après. Arrivées à̀ maturité, ces techniques permettent de réduire les complications, d’améliorer la qualité de vie (horaires, durée et protocole de soin flexibles), et présentent des avantages par rapport au traitement réalisé en centre (allègement du poids de la maladie, de la fatigue physique, des symptômes ressentis).
Un retard français
Pourtant, seuls 7 % des patients français atteints d’IRCT sont pris en charge à̀ domicile, soit deux fois moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Parmi les patients dialysés, la dialyse péritonéale à domicile est même en recul : elle est passée de 10,5 % en 2003 à 6,1 % en 2017, avec des disparités régionales marquées (de 11,7-24,8 à 0-2,7 % selon les départements). Quant à l’hémodialyse à̀ domicile, elle atteint 0,9 % en 2017. « Il paraît possible de viser les prévalences obtenues par les pays européens qui se situent en milieu de classement, soit 10-15 % pour la dialyse péritonéale et 1-5 % pour l’hémodialyse à̀ domicile, illustre le Pr Thierry Lobbedez. Les très bons élèves comme l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande obtiennent au minimum des taux de 25 % ».
La publicité et les incitations professionnelles n’ont pas suffi à̀ développer la dialyse à̀ domicile. « Pourtant, la e-santé et la télémédecine sécurisent les soins à distance, les infirmières à domicile peuvent intervenir dans le cas de la dialyse péritonéale, argumente le Pr Lobbedez, qui a coordonné le Livre blanc de la dialyse à domicile 2022. Il faut aussi acculturer les équipes aux modalités de traitement de l’hémodialyse. Outre la réduction de la contrainte sur les structures hospitalières, cela augmenterait l’attractivité du métier infirmier avec des missions hors les murs. Mais pour faire progresser la dialyse à domicile, des incitations réglementaires ou financières sont nécessaires ».
Dix propositions phares
De multiples freins ralentissent le déploiement de la dialyse à domicile : manque de compétences médicales et paramédicales spécifiques, filières « autocentrées » (structures financées grâce à leur propre file active de patients dialysés), recherche de la rentabilité liée à la tarification à l’activité… Cependant, il existe plusieurs pistes pour lever ces obstacles et favoriser le développement. « Un paiement en fonction de critères de qualité, en termes de résultats et non pas de processus, permettrait d’homogénéiser l’accès à la dialyse à domicile sur le territoire national, propose le néphrologue. Les équipes, orientant les patients vers des traitements vertueux comme la greffe ou la dialyse hors centres, ne doivent pas être pénalisées financièrement ».
Parmi les dix propositions du Livre blanc figure le rôle des infirmières coordinatrices ou de pratiques avancées. « L’objectif est de mieux structurer le parcours en dialyse, sans se limiter à̀ l’information des patients », indique le Pr Lobbedez. Une dizaine de propositions clés ont ainsi été élaborées par la SFNDT, en collaboration avec les patients. Elles comprennent par exemple : l’ajout à la nomenclature de l’acte de ponction de l’abord vasculaire par une infirmière à̀ domicile (pour l’hémodialyse), la création d’équipes mobiles dialyse, l’utilisation de la télémédecine pour rapprocher patients et équipes soignantes, l’obligation pour les futurs néphrologues de se former à̀ la dialyse à domicile. Elles abordent également le décloisonnement des filières de soin, pour permettre un réel libre choix du traitement de suppléance, guidé par la modalité de traitement elle-même et non par une offre limitée de l’établissement de santé. Enfin, elles préconisent aussi l’augmentation du tarif de l’hémodialyse et de la dialyse péritonéale à̀ domicile.
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