Paralysie cérébrale : des stages de rééducation par le jeu chez les enfants sont expérimentés en France

Par
Publié le 07/10/2024
Article réservé aux abonnés

À l’occasion de la journée mondiale de la paralysie cérébrale le 6 octobre, professionnels et associations se félicitent du début de l’expérimentation des stages de rééducation intensive par le jeu, pris en charge dans le cadre de l’article 51.

Crédit photo : Fondation Ildys

Bientôt des stages de rééducation intensive pour tous les enfants atteints de paralysie cérébrale ? Tel est le projet qui se dessine avec le lancement de l’expérimentation de forfaits pour les thérapies Team&co, dans le cadre de l’article 51. Un programme financé à hauteur de 10,8 millions d’euros par l’Assurance-maladie et l’aboutissement de près de 10 ans de recherche, pour mettre à disposition des enfants des thérapies efficaces les faisant gagner en autonomie motrice.

En France, la paralysie cérébrale touche quatre nouveau-nés chaque jour, soit 1 500 par an. Or il a fallu attendre 2021 pour voir publiées les premières recommandations de la Haute Autorité de santé, qui mettent l’accent sur la prise en charge de la motricité et l’activité physique adaptée.

« Jusqu’en 2018, l’Europe n’avait lancé aucun essai contrôlé randomisé. Les études se faisaient en Australie, aux États-Unis. C’est pourquoi nous avons lancé le projet de recherche européen Cap’ », explique au Quotidien le Pr Sylvain Brochard, professeur de médecine physique et de réhabilitation pédiatriques (CHRU Brest), coordonnateur de Cap’ et aujourd’hui co-porteur du projet Team&co.

Financé à hauteur de 1,5 million d'euros par la Fondation Paralysie Cérébrale de 2018 à 2023, le programme Cap’ a permis à une centaine d’enfants d’un à quatre ans de bénéficier de 50 heures de rééducation intensive par le jeu (méthode Habit-ile). « La prise en charge classique consiste en séances hebdomadaires de 30 minutes de kinésithérapie, et de façon inégale, d’ergothérapie, de psychomotricité ou d’orthophonie, sur toute l’année. Or la littérature scientifique et notre programme montrent qu’il vaut mieux concentrer les apprentissages, de manière intensive, sur un temps court », explique le spécialiste. En l’occurrence, 5 heures par jour pendant 15 jours, avec 5 jours de repos au milieu.

Les résultats de Cap’, publiés en novembre 2023 dans le JAMA Pediatrics montrent que la méthode Habit-ile améliore significativement l’habileté manuelle (en 3 mois,+10 % de motricité des mains dans le groupe Habit-ile versus aucun gain dans le groupe contrôle) et la motricité globale, ceci d’autant plus que l’enfant est pris en charge précocement (avant 3 ans).

600 enfants inclus sur 4 ans

Forts de ces résultats, les spécialistes souhaitent généraliser la méthode aux 150 000 enfants concernés en France, et la rendre accessible dans le droit commun. Première étape : montrer sa pertinence auprès de 600 enfants. L’expérimentation Team&co a ainsi été autorisée par publication d’un arrêté au Journal officiel le 24 mai, dans le cadre de l’article 51 qui permet de financer des dispositifs innovants censés améliorer les parcours des patients. Concrètement, les équipes ont 4 ans pour montrer l’intérêt de ces stages pour les enfants, en évaluant leur faisabilité, efficacité, efficience et reproductibilité. « La preuve scientifique de leur pertinence a déjà été apportée : il s’agit désormais de montrer que c’est possible dans la vraie vie », résume le Pr Brochard.

Trois centres pionniers portent l’expérimentation : Brest (Fondation Ildys, CHRU, Brest, Pr Brochard), Angers (avec la Dr Marion Beaumesnil et le Pr Mickael Dinomais, chef de service du SMR pédiatrique des Capucins, CHU Angers) et Lyon (Pr Carole Vuillerot, cheffe du service de l'escale, Hospices civils de Lyon). Et trois autres centres sont aussi impliqués : Occitanie, La Réunion, Grand Est. « Nous souhaitions montrer que ce programme peut se monter hors des centres experts, dans des régions qui n’ont pas encore participé à ces recherches », précise le Pr Brochard.

L’objectif est de proposer 60 stages à 600 enfants de 2 à 17 ans, dispensés par des professionnels de la réadaptation : kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, en établissements sanitaires et médico-sociaux et en libéral. Les forfaits sont adaptés au type de stage, de complexité plus ou moins grande selon l’âge et l’autonomie des enfants. Un guichet unique national est ouvert pour que les familles puissent déposer leur dossier, et les premiers stages commencent cet automne à Lyon, Angers et Brest. Le rapport définitif est attendu d’ici à 4-5 ans.

« Nous espérons qu’à terme toutes les régions puissent pouvoir offrir ces stages aux enfants. Plus largement, l’enjeu est aujourd’hui de mettre en pratique les recommandations de la HAS dans tous les territoires, notamment en termes d’activité physique adaptée et d’éducation thérapeutique », conclut le Pr Brochard.

Une lettre ouverte aux ministres

Dans une lettre ouverte envoyée à l’occasion de la journée mondiale aux ministres de la santé Geneviève Darrieussecq, et des personnes en situation de handicap, Charlotte Parmentier-Lecoq, la Fédération Paralysie Cérébrale France et la Fondation Paralysie Cérébrale réclament la mise en place de pôles régionaux de compétences pour lutter contre les inégalités territoriales d'accès aux soins. Elles leur demandent aussi de soutenir le développement des thérapies, comme Team&co, et de déployer un parcours coordonné de diagnostic, de rééducation et de réadaptation remboursé, mesure sanctuarisée par le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2023, mais en suspens tant que le décret n’est pas publié. « Il y a urgence pour la paralysie cérébrale !  », exhortent la Fédération et la Fondation.


Source : lequotidiendumedecin.fr