Santé mentale au travail

Un programme pilote de surveillance

Publié le 13/01/2009
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Lancé en 2006 par l’Institut de veille sanitaire, le programme SAMOTRACE (SAnté Mentale Observatoire Travail Rhône-Alpes et CEntre) délivre des indications épidémiologiques inédites sur le mal-être et les expositions aux facteurs psycho-sociaux en entreprises, par secteurs d’activité dans les régions Centre, Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Les premiers résultats du recueil des données en Rhône-Alpes sont attendus pour ce premier trimestre.

Pour évaluer la santé psychique de 6 056 salariés - hors Éducation nationale et à l’exclusion du monde agricole - 115 médecins du travail leur ont soumis 28 questions permettant d’identifier des symptômes anxieux, dépressifs, physiques (troubles du sommeil) et des troubles de la relation sociale. Globalement, 24 % des hommes et 37 % des femmes sont concernés. « La différence entre sexes se retrouve dans des proportions similaires en population générale », fait remarquer au « Quotidien » le Dr Christine Cohidon*, responsable de SAMOTRACE.

Au regard des branches professionnelles, le secteur de production et distribution électricité, gaz et eau est celui qui fragilise le plus les travailleuses (45 %), suivi par l’administration publique (41 %), les activités financières (40 %) et les services collectifs sociaux et personnels (SCSP, 39-40 %). Pour la population masculine, finance (29 %), électricité-gaz-eau (28-29 %) et fonction publique (26 %) sont les secteurs les plus à risques. La dépendance ou consommation excessive alcoolique, indicateur de santé mentale défaillante, touche au total 10,5 % des travailleurs contre 2,3 % des salariées, notamment dans les SCSP (16 %), la finance (16 %) et la fonction publique (13 %).

Deux indicateurs.

Au chapitre desexpositions aux facteurs psycho-sociauxgénérateurs de mal-être, deux indicateurs, jusqu’alors sous-estimés ou rarement pris en considération, se révèlent précieux. Le premier est le fait de « travailler d’une façon qui heurte la conscience professionnelle » : c’est le cas de 14 % des hommes en moyenne (16 % dans le domaine de la santé/action sociale, 17 % électricité-gaz-eau et 20 % SCSP) et de 12 % des femmes (20 % santé/action sociale, 19 % électricité-gaz-eau et 13 % SCSP).Le deuxième indicateur, des « efforts consentis sans récompense en retour » est retrouvé chez 3,5 à 5 % des hommes dans les SCSP, les transports/communication, l’électricité-gaz-eau, la fonction publique et la finance, et chez 3,5 à 4 % des femmes dans les secteurs santé/action sociale, industrie manufacturière et commerce.

« Ainsi, la salariée qui ne voit pas ses efforts au travail honorés en conséquence a 3 fois plus de risque de basculer dans la souffrance psychique et le salarié 2,4 fois plus. Le surinvestissement, lui, multiplie la survenue d’un mal-être par 2,3 chez la femme et par 1,8 chez l’homme. Et le travail "qui heurte la conscience professionnelle" par 1,6 chez les travailleurs masculins », observe le Dr Cohidon.

Ces données - les premières du genre qui supportent une extrapolation à l’échelon national en raison d’une couverture quasi complète des secteurs professionnels par l’InVS - constituent une victoire de SAMOTRACE, en termes épidémiologiques. « Nous espérons étendre le programme dès que possible à tout le pays, qui bénéficiera alors d’une surveillance macroscopique de la santé mentale au travail », conclut l’épidémiologiste. D’ores et déjà, SAMOTRACE devrait inciter les responsables de l’administration publique, du secteur des activités financières et des services collectifs sociaux et personnels à des actions de prévention, en agissant sur l’organisation du travail.

› PHILIPPE ROY

* Le Dr Christine Cohidon, du département Santé et travailde l’InVS, travaille au sein de l’Unité mixte de recherche et surveillance épidémiologique travail, transport, environnement (UMRSETTE) de l’InVS/Université Claude Bernard de Lyon/Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité.

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr