Un malade chronique sur six a déjà subi une discrimination ou un harcèlement discriminatoire dans le cadre professionnel en raison de son état de santé ou de son handicap. Ce risque est multiplié par trois quand la maladie est « visible » et par quatre lorsque les activités habituelles sont limitées.
Ces données sont tirées du 16e baromètre du Défenseur des droits en partenariat avec l'Organisation internationale du travail (OIT), présenté ce 14 décembre et élaboré à partir d’une enquête Ipsos auprès de 3 000 personnes, dont 1 000 souffrant de maladie chronique. Les résultats éclairent sur l’ampleur des discriminations liées à la santé dans l’emploi.
« Les représentations sociales négatives liées à la maladie, souvent perçues comme incompatibles avec le travail, l'invisibilité des symptômes, la peur d'être exposé aux discriminations alimentent finalement un déni collectif », a expliqué la Défenseure des droits Claire Hédon lors d'une conférence de présentation du baromètre.
Des actifs malades de plus en plus nombreux
Ce « déni » devient d’autant plus problématique que la part de la population active atteinte d’une maladie chronique ne cesse de progresser. De 15 % en 2019, elle devrait atteindre 25 % dès 2025, selon l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Au-delà de l’évolution due aux progrès thérapeutiques « qui ont pu contribuer à transformer certaines maladies, autrefois aiguës et mortelles, en maladies chroniques », « le recul de l'âge de départ à la retraite, le vieillissement de la population active risque quand même très probablement d'augmenter cette tendance », anticipe Claire Hédon.
Malgré cette réalité, l’accompagnement fait défaut, et notamment l’adaptation des postes de travail. Selon le baromètre, « 19 % des salariés atteints d'une maladie chronique bénéficient d'un aménagement de leur poste », alors que 29 % n'en bénéficient pas, mais en auraient besoin, selon le baromètre. « De nombreuses femmes travaillent sur des postes inadaptés à leurs normes anthropométriques », ce qui « contribue à générer un certain nombre de pathologies, notamment des troubles musculo-squelettiques », a ajouté la Dr Marielle Dumortier, médecin du travail, lors de la présentation du baromètre.
Faute de mesures adaptées, la présence de salariés souffrant de maladies chroniques « peut rapidement générer des tensions au sein d'un collectif de travail, notamment du fait d'un report de charge de travail sur d'autres collègues », explique Claire Hédon. « Pour les salariés malades, l'effet est double : au-delà de l'épreuve que constitue la maladie, ils sont davantage exposés dans l'emploi à un risque de stigmatisation, d'isolement, de discrimination et aussi de déclassement professionnel », poursuit-elle.
Un manque de soutien des entreprises
Les situations de harcèlement moral affectent ainsi plus souvent les personnes malades (55 %, contre 35 % du reste de la population active). Et 40 % des personnes malades dont les problèmes de santé sont connus de leur employeur et de leur supérieur « ne bénéficient du soutien et de la compréhension ni de l'un ni de l'autre ».
Le baromètre souligne également en creux le manque de moyens de la médecine du travail, dont le rôle est pourtant « clé et difficile ». Selon le baromètre, un quart environ des salariés n’ont pas bénéficié de visite médicale depuis plus de 5 ans. Et environ un tiers des salariés malades ayant eu un arrêt de plus de 60 jours au cours des 5 dernières années n’ont pas bénéficié de visite de reprise. Ces dernières sont jugées utiles : 78 % des salariés malades approuvent les recommandations formulées. Mais elles ne sont pas appliquées par les employeurs dans près d’un tiers des cas.
Plus globalement les enjeux de la santé au travail restent mal connus. Seule la moitié des malades chroniques se déclarent informés des bons gestes, des mesures de prévention et des risques auxquels ils sont exposés. Plus inquiétant, près de la moitié des actifs malades hésitent à livrer des informations au médecin du travail.
À côté de la formation des employeurs, de la sensibilisation des salariés et de l’augmentation des moyens dédiés aux acteurs de la prévention et de la santé au travail, la Défenseure des droits invite à un changement de regard en considérant « les capacités et les ressources des individus plutôt que leurs limitations ou restrictions d’aptitudes ».
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