L’Europe de l’Est est encore loin des objectifs fixés par l’ONUSIDA pour réduire l’incidence de l’épidémie d’infection par le VIH d’ici à 2020, ont rappelé cette semaine les organisateurs de la 15e conférence de la Société européenne de recherche clinique sur le sida (EACS), qui se tient jusqu’au 24 octobre à Barcelone.
Selon ces objectifs, surnommés « 90 90 90 », en 2020, 90 % des personnes infectées par le virus connaîtront leur statut sérologique, 90 % des patients dépistés bénéficieront d’un traitement antirétroviral (ART) et 90 % des patients sous ART auront une charge virale durablement supprimée.
Une « cascade de traitement » abrupte
Certes, le nombre de patients sous ART augmente régulièrement en Europe de l’Est, mais moins vite que le nombre de malades. La couverture a donc tendance à décroître. Selon le Pr Michel Kazatchkine, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU en Europe de l’Est pour les questions touchant au VIH, la « cascade de traitement » (au cours de laquelle de nombreux patients sont perdus) est beaucoup plus abrupte dans l’est de l’Europe que dans le reste du continent. Par exemple, en Russie, les chiffres de 2013 montrent que 49 % des patients infectés par le VIH sont diagnostiqués, 38 % sont pris en charge, 12 % sous ART et seulement 9 % sont suffisamment bien suivis pour avoir une charge virale indétectable. « Rien n’est impossible, mais le chemin est très long pour la Russie, mesure le Pr Kazatchkine, l’épidémie y est très dépendante des groupes marginalisés et vulnérables qui n’ont quasiment pas d’accès aux services. Moins de 10 % des consommateurs de drogues injectables ont accès aux ART ! »
Le « syndrome du pays émergent »
En Europe centrale comme en Europe de l’Est, le Pr Kazatchkine constate ce qu’il appelle le « syndrome du pays émergent ». La situation économique de ces pays s’est suffisamment améliorée pour que le fond mondial puisse réduire son aide, sans que les financements et les structures locales ne soient encore en mesure de prendre le relais. Cela s’est traduit par la réduction, voire l’interruption, de programmes d’échange de seringues. « En Roumanie et en Ukraine, il a suffi de quelques mois pour qu’une épidémie d’infections survienne dans les communautés de consommateurs de drogues », explique-t-il.
En Europe de l’Ouest, les chiffres sont plus rassurants, bien qu’aucun pays n’ait encore atteint les objectifs de l’UNOSIDA. Le meilleur élève européen, la Suisse, est parvenu à diagnostiquer 81 % de ses habitants séropositifs, à en mettre 71 % sous ART (soit 87,7 % des diagnostiqués) et à abaisser la charge virale de 68 % d’entre eux sous 200 copies/ml (soit près de 96 % des patients sous ART, l’objectif 3 est donc rempli). Au Royaume-Uni, seuls 61 % des malades ont une charge virale inférieure à 200 copies/ml. « Je pense que l’objectif est atteignable en Europe, poursuit le Pr Kazatchkine. Nos chiffres datent de 2012, voire d’avant, et on était à plus de 70 % pour l’objectif n° 1, presque 70 % pour l’objectif n° 2 et 60 à 70 % pour l’objectif n° 3. Depuis cette époque, les efforts de dépistage et de mise sous traitement rapide se sont encore amplifiés. »
À l’ouest aussi, il existe tout de même des pistes d’amélioration. Le Pr Kazatchkine rappelle que l’on sait maintenant que « les migrants infectés par le VIH ont souvent contracté leur pathologie après leur arrivée ». Ce qui inquiète le plus les membres de l’EACS, c’est une récente baisse de l’implication des pays européens. « Nous avons vu un déclin, ces dernières années, des sommes investies en Europe dans la recherche et la prévention, note Tamas Bereczky, membre de l’European AIDS treatment group. Nous devons remettre l’Europe sur la voie de la recherche et éviter la concurrence des pays pour l’obtention des fonds internationaux. »
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