Le calendrier vaccinal 2022 a été publié à l’occasion de la semaine européenne de la vaccination (du 24 au 30 avril). La nouvelle mouture rend éligibles plus de personnes à davantage de vaccinations, et confirme une dynamique d’expansion, qui semble partie pour durer. Une tendance qui pose question notamment en termes d’acceptabilité, même si plusieurs progrès attendus pourraient permettre une meilleure adhésion.
Le calendrier vaccinal prend encore de l’ampleur. Élaborée par la Commission technique des vaccinations (CTV) de la Haute Autorité de santé (HAS), la mouture 2022, dévoilée fin avril, intègre d’un coup trois nouvelles recommandations : la vaccination contre la coqueluche des femmes enceintes, la vaccination contre le méningocoque B de tous les nourrissons et la vaccination antigrippale de certains professionnels de l’agroalimentaire. Ainsi, ce nouveau calendrier confirme une tendance à la multiplication des vaccinations et à l’extension de leurs publics cibles.
De nombreux vaccins dans les starting-blocks
Et, pour le Pr Daniel Floret, vice-président de la CTV, cette expansion de la vaccination pourrait bien se poursuivre. En premier lieu, selon le pédiatre, des vaccinations déjà préconisées à l’étranger pourraient être intégrées aux recommandations françaises. « En comparaison au Royaume-Uni, à l’Allemagne, aux États-Unis, à l’Italie, etc., notre calendrier vaccinal est en fait plutôt moins étoffé ; et un certain nombre de pays ont introduit des vaccinations qui ne sont pas (recommandées) chez nous », souligne-t-il, citant la vaccination des enfants contre le rotavirus, mais aussi contre la grippe ou la varicelle. « Je ne dis pas que ces vaccinations vont être introduites ou réintroduites, mais c’est une possibilité qui devra être discutée », ajoute-t-il.
À plus long terme pourraient surtout émerger des vaccinations véritablement innovantes, dirigées contre des maladies pour lesquelles aucun vaccin n’est encore disponible, comme le VIH. Si l’élaboration d’un vaccin contre le VIH fait l’objet de travaux depuis longtemps, en 2021, des essais cliniques ont débuté avec un candidat français, et le succès de la découverte rapide de vaccins à ARNm contre le Covid-19 a encore boosté la recherche. Ainsi, Moderna a commencé, en mars 2022, à évaluer un prototype de vaccin à ARNm anti-VIH sur de premiers volontaires. Ce renouveau de la vaccinologie dépasse largement le VIH. En effet, des candidats vaccins à ARNm contre le cytomégalovirus ou le virus respiratoire syncytial (VRS) sont aussi à l’étude, ce dernier étant particulièrement attendu.
Pas de retrait en vue
Si l’arrivée de nouveaux vaccins dirigés contre ces pathologies infectieuses problématiques apparaît souhaitable, la tendance globale à l’expansion du calendrier vaccinal interroge. D’autant qu’aucun allègement significatif susceptible de compenser ces ajouts ne semble d’actualité. De fait, aucune vaccination inscrite au calendrier ne peut être entièrement retirée, aucune des maladies ciblées n’ayant encore été éliminée. Seul cas particulier : la rubéole, dont aucun cas n’a été recensé dans le pays depuis 2020. Pour autant, il n’est pas encore temps d’abandonner le ROR – des cas de rougeole continuant, eux, à être enregistrés.
Ainsi, les seuls allègements possibles apparaissent marginaux et concernent les rappels et schémas vaccinaux, « qui peuvent évoluer en fonction des données épidémiologiques », explique le Pr Daniel Floret. Or la dernière modification notable de ce type remonte à près de 10 ans. « En 2013, une dose de vaccin (pentavalent, ndlr) avait été supprimée chez le nourrisson », se souvient le pédiatre. Et à l’heure actuelle, aucune réduction de dose ne semble possible, sauf peut-être dans la vaccination anti-HPV. De fait, de plus en plus de données suggèrent qu’une seule dose pourrait suffire. Cependant, l’AMM des vaccins disponibles ayant été obtenue pour un schéma à plusieurs doses, le passage à une injection unique apparaît complexe d’un point de vue réglementaire. En outre, pour la vaccination contre le méningocoque C – dont l’efficacité à long terme est encore mal définie –, c’est même plutôt un ajout de rappel qui pourrait se révéler nécessaire. Selon Daniel Floret, un remplacement de ce vaccin par un produit quadrivalent pourrait également être discuté « en cas de flambée d’infection à méningocoque W ».
L’acceptabilité en question
Sur le plan immunitaire, la multiplication des vaccinations ne pose a priori pas problème. L’administration concomitante de nombreux vaccins ne semble pas particulièrement risquée. D’autant que l’évaluation par les fabricants des effets des co-administrations est désormais en vigueur. Plus généralement, aucun argument ne semble soutenir l’hypothèse d’un phénomène de saturation du système immunitaire. Une étude américaine du Journal of the American Medical Association (Jama) a au contraire montré en 2018 que l’accumulation de vaccinations « n’épuise » pas le système immunitaire et ne rend pas les enfants vaccinés plus vulnérables aux pathologies non ciblées par la vaccination.
Cependant, sur le terrain, des médecins s’interrogent sur l’acceptabilité de cette expansion (voir interview ci-contre). Se pose la question de la faisabilité de l’administration de vaccins toujours plus nombreux à des publics toujours plus vastes… et de ses conséquences sur l’adhésion et les couvertures vaccinales.
Toutefois, le Pr Floret se montre optimiste, en particulier sur l’acceptabilité des co-administrations. « Une enquête a montré que nombre de parents préfèrent que soit administré à leur enfant un vaccin supplémentaire lors d’un même rendez-vous plutôt qu’avoir à revenir un mois plus tard », rapporte le pédiatre.
En outre, de nouvelles formulations pourraient permettre de réduire le nombre d’injections à réaliser. « Les vaccins combinés ont déjà amené un progrès considérable, et on peut sûrement encore améliorer les choses », s’enthousiasme Daniel Floret. Selon lui, une des promesses de la technologie ARNm serait justement « de protéger contre de nombreuses maladies par un même vaccin ».
Maladies tropicales : de nouveaux vaccins pas encore ouverts aux voyageurs
Au-delà du calendrier vaccinal, on pourrait s’attendre à ce que les recommandations de vaccination pour les voyageurs – élaborées par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) – s’étendent aussi. Car, récemment, de nouveaux vaccins actifs contre certaines maladies tropicales problématiques ont émergé. À l’instar, il y a quelques années, d’un vaccin quadrivalent contre le virus de la dengue et, surtout, dernièrement, des premiers vaccins contre Ebola ou le paludisme. Or, pour le moment, les voyageurs français ne sont pas éligibles à ces nouveaux vaccins, réservés aux habitants des zones d’endémie (et aux professionnels susceptibles d’être exposés à la maladie, dans le cas d’Ebola).
Par ailleurs, l’arrivée de nouveaux produits pourrait au contraire contribuer à l’augmentation des couvertures vaccinales. Car d’après le Pr Floret, les performances mitigées de certains vaccins comptent parmi les principaux obstacles à l’adhésion vaccinale. Or des produits plus efficaces ou associés à moins d’effets indésirables déjà adoptés à l’étranger pourraient arriver en France. À l’instar de Shingrix, vaccin contre le zona autorisé en Europe depuis 2018 et plébiscité notamment aux États-Unis et en Allemagne. Premier vaccin non vivant contre le zona, ce vaccin recombinant adjuvanté pourrait, à terme, remplacer Zostavax, associé à de nombreuses contre-indications. Mais des technologies plus innovantes sont aussi en développement, comme de nouveaux vaccins antigrippaux à ARNm plus efficaces.
En termes d’amélioration des performances des vaccins, l’ARNm n’est pas la seule piste : des vaccins non injectables qui stimuleraient également l’immunité locale sont à l’étude. Ainsi, la voie respiratoire, intranasale, apparaît « intéressante pour toutes les maladies à transmission respiratoire », et a déjà donné des résultats puisqu’un vaccin antigrippal pédiatrique non injectable est disponible outre-Manche. De même, la voie intradermique susciterait l’intérêt des chercheurs. « Un vaccin à ADN qui s’administre par voie intradermique est déjà utilisé en Inde contre le Covid-19, notamment chez les personnes âgées qui répondent mal aux vaccins en général », précise le Pr Floret.