Sepsis pédiatrique : une définition fondée sur la dysfonction d’organe permet de mieux repérer les enfants les plus à risque

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Publié le 23/01/2024
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Crédit photo : BURGER / PHANIE

Un nouveau texte de consensus sur le sepsis de l'enfant propose d’en changer les critères de définition en le considérant à travers le prisme des dysfonctions respiratoire, cardiovasculaire, de la coagulation et/ou neurologique causées par une infection. Les auteurs proposent un nouvel outil ad hoc, le Phoenix Sepsis Score, un score égal ou supérieur à 2 définissant le sepsis. Cette approche permet de mieux identifier les enfants susceptibles d’évoluer vers une forme plus sévère, tout en étant facilement applicable, y compris dans les pays à faibles revenus.

Cette nouvelle définition est détaillée dans deux articles publiés dans le Jama : un qui précise les détails de son élaboration, et l’autre qui démontre sa supériorité sur les anciens critères du syndrome de la réponse à l’inflammation systémique (Sirs) utilisés jusque-là.

Il s'agit du résultat d'un travail entrepris en 2019 par une task force pluridisciplinaire de 35 experts rassemblés par la Société américaine de soins intensifs. Ces critères s'appliquent aux patients de moins de 18 ans, mais pas aux nouveau-nés de moins de 37 semaines.

Enquête, data-mining et méta-analyse

Dans un premier temps, les auteurs du texte ont réalisé une enquête auprès de 2 835 praticiens issus de tous les continents, dont 14 % vivaient dans un pays à faibles revenus. Une large majorité d'entre eux (71 %) a estimé que la définition du sepsis pédiatrique devait se limiter aux cas de dysfonction d'organe causées par une infection.

« Il y a de plus en plus d'arguments pour considérer le sepsis comme une dysfonction d'organe provoquée par une infection », abondent les Drs Erin Carlton (université du Michigan), Mallory Perry-Eaddy (université du Connecticut) et Hallie Prescott (université du Michigan) dans un éditorial associé. Le groupe de travail a renforcé cette conviction en procédant à une méta-analyse à partir des données de 87 études qui a confirmé une relation très forte entre la dysfonction d'organe d'une part, et le sepsis et le risque de mortalité d'autre part. Les experts ont, en outre, analysé eux-mêmes les données de près de 175 000 enfants pris en charge pour une suspicion de sepsis au Bangladesh, en Chine, en Colombie et au Kenya.

Ces travaux leur ont permis de déterminer le niveau de corrélation entre une dysfonction d'organe et le surrisque de mortalité chez les enfants ayant une infection suspectée ou confirmée. Pour chacune des huit fonctions (cardiovasculaire, endocrinienne, hépatique, immunologique, neurologique, rénale, respiratoire, et de la coagulation), les auteurs ont été capables d'établir un seuil à partir des cinq échelles cliniques existantes (IPSCC, Pelod-2, Podium, Sofa pédiatrique et Proulx). Précision importante : la dysfonction d'organe doit être récente, et non chronique.

Les spécialistes ont ensuite simplifié leur algorithme (quatre systèmes retenus sur les huit) et recommandé de prendre pour seuil un résultat d’au moins deux points sur le Phoenix Sepsis Score créé pour l'occasion (vous en trouverez le détail à cette adresse, et son protocole d’utilisation ici). Il faut ainsi évaluer : la fonction respiratoire (PaO2), la fonction cardiovasculaire (taux de lactates, nécessité ou non d'un traitement vasoactif) avec la pression artérielle rapportée à l'âge, le niveau de coagulation (taux de plaquettes, de D-dimères et de fibrinogène) et l’état neurologique (échelle de Glasgow). Chacune de ces variables est susceptible de rapporter un ou plusieurs points.

Le choc septique, quant à lui, est défini comme un sepsis avec au moins un des critères suivants : une concentration en acide lactique supérieure ou égale à 5 mmol/l, une hypotension artérielle, ou la nécessité de prendre un traitement vasoactif.

Un risque de mortalité plus prononcé dans les pays à faible revenu

Selon leur modèle prédictif, les enfants hospitalisés répondant aux critères Phoenix ont un risque de décès de 7 % dans les pays à revenus élevés, et de 29 % dans les pays à faibles revenus, soit 8 fois plus élevé que des enfants atteints d'une infection simple. En cas de choc septique, les risques de mortalité sont alors de 11 % et 34 % respectivement dans les pays à revenus faibles et élevés. Les auteurs estiment que des efforts seront nécessaires pour combler cette importante disparité, principalement causée par des retards au diagnostic.

En 2005, une première conférence de consensus avait fourni des critères spécifiques au sepsis pédiatrique. Le sepsis était défini comme un syndrome caractérisé par une réponse inflammatoire généralisée d’origine infectieuse. En 2016, la définition avait été revisitée chez l’adulte, et le sepsis était considéré comme un dysfonctionnement d'organe potentiellement mortel, résultant d’une réponse dérégulée de l'hôte à l'infection. C’est aussi à cette époque que les spécialistes ont constaté les limites des critères Sirs dans la population pédiatrique. Près de 20 ans après les premiers critères pédiatriques, les approches pédiatriques et adultes sont enfin harmonisées.


Source : lequotidiendumedecin.fr