Pr Jean Pelletier, fondation ARSEP : « Les signaux du Covid sont rassurants pour la SEP, mais la vigilance reste de mise »

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Publié le 29/05/2020
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À l'occasion de la Journée mondiale de la sclérose en plaques le 31 mai, le Pr Jean Pelletier, neurologue à l'hôpital de la Timone à Marseille et président du comité scientifique de la fondation ARSEP, fait le point sur ce que l'on a appris de l'infection Covid-19 au cours de la maladie neurologique.

LE QUOTIDIEN : Au début de l'épidémie Covid-19, les craintes d'une susceptibilité liée à la sclérose en plaques (SEP) étaient fortes, comme le ministère de la Santé s'en est fait l'écho dans ses recommandations. Que peut-on en dire aujourd'hui ?

Pr JEAN PELLETIER : Aux trois grandes questions posées au départ, on peut répondre aujourd'hui que la SEP n'est pas un facteur associé à une plus grande fréquence de l'infection, qu'il n'y a pas de signal sur les complications respiratoires et que ce n'est pas le cas non plus pour les médicaments utilisés à visée immunomodulatrice.

Des messages rassurants peuvent être donnés, il n'y a pas d'inquiétude particulière pour la SEP, mais il faut rester prudent comme tout un chacun, il ne faut pas baisser les armes.

Ces enseignements ont pu être tirés d'un registre national mis en place dès le début de l'épidémie, comptant aujourd'hui 360 patients infectés. Parmi eux, plus de 240 n'ont pas été hospitalisés et seuls 10 patients ont été admis en réanimation. Les facteurs de risque qui ressortent sont l'âge avancé, l'obésité et le handicap sévère lié à la maladie. Les observations des registres italiens et américains sont concordantes avec les nôtres, notre objectif est d'essayer de pooler les données.

Que peut-on dire du rôle joué par les médicaments utilisés dans la SEP ?

Il n'y a pas de signaux sur les médicaments utilisés dans la SEP : il faut rassurer les patients sur la poursuite du traitement de fond et leur recommander de ne surtout pas l'interrompre en raison de l'effet rebond. Pour les médicaments IV à usage hospitalier strict, des parcours de soins se sont mis en place en décalant certains traitements mensuels d’une à deux semaines, et certains semestriels d’un à deux mois.

De plus, il est même possible que certaines molécules à visée immunomodulatrice aient un effet préventif sur la réaction inflammatoire secondaire, l'orage cytokinique. Mais cela reste à confirmer. Notre registre a pour l'instant enregistré de façon globale les traitements, soit une douzaine de médicaments chez les 300 patients traités (les 60 autres ne l'étant pas). Les effectifs sont très petits, il est nécessaire de regarder de plus près molécule par molécule ce qu'il se passe, et les données internationales devraient nous aider à répondre sur ces points.

Comment avez-vous communiqué auprès des médecins et des patients au plus fort de l'épidémie ?

Notre objectif est de rendre service, on a beaucoup insisté sur l'information. Chaque semaine depuis mi-mars, un point était fait avec extraction des données afin de ne pas laisser passer un signal.

On a utilisé les recommandations ministérielles, par exemple en invitant les patients à se déclarer directement sur le site ameli.fr. Ont été activés les sites des réseaux régionaux de patients, les centres experts, les centres de référence et de compétence, ainsi que les associations et les sociétés savantes, comme l'ARSEP, la Société francophone de la sclérose en plaques (SFSEP), et d'autres concernant des maladies apparentées telles que la SEP de l'enfant et la neuromyélite optique. Trois webinaires ont été organisés par l'ARSEP et la SFSEP, ayant rassemblé 2 000 personnes pour le premier et plus de 1 000 pour les deux suivants.

Des lignes téléphoniques et des mails dédiés ont été mis en place pour répondre aux questions des patients.

Maintenant le déconfinement engagé, quels conseils donnez-vous aux patients concernant le travail et le retour des enfants à l'école ?

Il faut s'adapter à chaque personne et à son environnement. Certaines entreprises réactives se sont très bien organisées pour protéger les salariés. Pour les écoles, certaines le sont aussi, d'autres un peu moins.

De plus, la SEP recouvre des formes très hétérogènes. Le niveau de handicap est un facteur de risque, qui ne touche pas toujours que des sujets très âgés.

Les patients ont respecté scrupuleusement le confinement et les mesures barrières, mais à tel point que certains ne sont sortis de leur logement qu'une à deux fois en deux mois et demi. Aujourd'hui, on peut être rassurant et l'on n'est pas inquiet pour la reprise, même s'il faut rester prudent.

Propos recueillis par Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin