Face aux controverses, les députés de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la maladie de Lyme ont voulu porter un message d’apaisement lors d'un point presse à l'occasion de l'examen de leur rapport ce 7 juillet.
Alertés par des associations et des patients exprimant un « sentiment d’abandon du système de soins » selon la présidente de la commission Jeanine Dubié, les députés ont, pendant 4 mois, mené des auditions, visité deux centres de compétences dédiés aux maladies vectorielles à tiques (MVT) pour aboutir à une série de recommandations destinées à « améliorer la prise en charge » et « éviter l’errance diagnostique ».
Un plan Lyme avec encore « peu de bénéfices pour les patients »
Leurs travaux posent le constat de « dysfonctionnements » dans la mise en œuvre du plan Lyme de 2016, actualisé en 2018, avec une architecture définie en 2019. Ce plan prévoit une structuration de la prise en charge depuis le médecin généraliste jusqu’à la création de centres de compétences locaux chapeautés par cinq centres régionaux de référence (CRMVT) dans une approche pluridisciplinaire. Cette structuration a été engagée quelques mois avant la crise sanitaire, qui a pu entraver sa mise en œuvre, reconnaissent les députés. Mais elle n’a eu que « peu de bénéfices pour les patients », juge Nicole Trisse, co-rapporteure de la commission d’information.
Si le plan n’est « pas mauvais », il ne s’est pas traduit, selon elle, par une meilleure information des médecins généralistes, jouant pourtant le rôle de porte d’entrée vers le parcours de soins dédié et la prise en charge par les centres de compétences. Un manque d’harmonisation, mais surtout de moyens, est également pointé par la députée : « la région Grand Est est sous-dotée » en centres de compétences, alors que c’est une des régions « les plus concernées » par la présence de tiques et les cas de borréliose. La place des patients reste encore à définir, poursuit Nicole Trisse, qui déplore aussi un manque de lisibilité sur le rôle d’animateur de réseau attribué aux centres de référence : « on ne sait pas comment sont utilisés les 300 000 euros » dédiés à cette mission, observe-t-elle.
Plus globalement, il y a un « décalage entre le plan et le rapport d’étape », qu’il est nécessaire de combler pour répondre à l’attente des patients, estime le co-rapporteur Vincent Descoeur, tandis que la présidente de la commission condamne le climat de « violences » qui s’est installé et déplore le « peu de confraternité » qui règne dans les échanges entre les membres de la communauté médicale.
En réponse aux « dysfonctionnements », les députés mettent sur la table 24 recommandations, articulées autour de 5 axes. Il s’agit d’abord de « s’assurer de l’effectivité » du parcours de soins gradué (instauré avec la création des centres de compétences et de référence), notamment en déployant « les moyens nécessaires », explique Vincent Descoeur. À côté de dotations accordées « sur dossier » aux centres de compétences dont le maillage territorial doit être amélioré, les députés proposent de « prévoir une consultation longue à rémunération majorée pour les médecins généralistes » afin d’entamer la prise en charge de leurs « patients potentiellement Lyme avec des symptômes polymorphes et non attribués ».
Un pilotage de la recherche par l’ANRS-MIE
Le second axe porte sur l’amélioration des connaissances. Deux leviers peuvent être activés pour accélérer la recherche, selon Vincent Descoeur, en confiant le pilotage de la recherche sur les MVT à l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), comme le préconise un récent rapport parlementaire, mais aussi en mettant à profit la prochaine présidence française de l’Union européenne (au premier semestre 2022) pour soutenir l’élaboration d’un programme de recherche européen. Les députés invitent également à s’inspirer de la dynamique installée sur les cas de « Covid long » et à créer un « registre national » des patients concernés.
Plusieurs recommandations incitent ensuite à « faire de la place à tous les acteurs » et à instituer un « environnement apaisé », indique Vincent Descoeur, appelant de ses vœux à l’introduction de la notion de patients-experts choisis sur des « critères objectifs », listés dans les recommandations : « formation validée, expérience de l’errance médicale, histoire médicale impliquant une borréliose de Lyme prouvée, persistance de symptômes chroniques invalidants en particulier ».
En complément, les députés encouragent le développement des « échanges autour des dossiers des patients entre les "médecins Lyme" volontaires et les centres de compétences "MVT" de façon à partager les expériences, dans une logique de dialogue et non de confrontation ». Le dialogue est également encouragé avec les « associations de patients adoptant un positionnement constructif », qui doivent être intégrées « étroitement à la gouvernance du parcours de soins MVT », ce qui n'est pas encore le cas partout.
De nouvelles recommandations attendues à l’automne
La communication et l’information sont aussi dans le viseur des députés. Il faut « faire connaître les dispositifs » existants et les pratiques « pas toujours couronnées de succès » qui ont cours, estime le co-rapporteur. Les ARS pourraient se voir confier un rôle d’information sur « les risques et les coûts pouvant être associés à des prises en charge non validées scientifiquement », mais aussi plus généralement sur les MVT, les mesures de prévention, le fonctionnement des tests diagnostiques et le parcours de soins gradué.
Côté prise en charge, dernier axe des recommandations, les députés préconisent de diffuser un questionnaire diagnostique aux généralistes pour harmoniser les pratiques, de définir les « modalités d’une prise en charge des psychothérapies par l’Assurance maladie », d’adopter un questionnaire de satisfaction de la prise en charge ou encore de « repenser et harmoniser l’octroi d’une ALD hors liste » pour un accès facilité aux soins pour les patients atteints de troubles fonctionnels invalidants non attribués.
Surtout, les députés plaident pour la définition d’une « offre thérapeutique initiale permettant de traiter les patients affectés par une symptomatologie somatique persistante, et garantir son remboursement par la sécurité sociale ». À cet égard, la Haute Autorité de santé (HAS) a remis les experts autour de la table après l’échec des précédentes recommandations. Une nouvelle version est attendue « à l’automne », indique Jeanine Dubié, précisant qu’un comité de pilotage du plan Lyme est également prévu à cette période. Les députés souhaitent que leur travail serve de « nouveau socle de travail » aux différents acteurs pour faire avancer la prise en charge et « a minima, soigner les symptômes », espère Nicole Trisse.
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