« L’émergence de ce virus n’est pas une bonne nouvelle », juge le virologue Bruno Lina, membre du Conseil scientifique, à propos du nouveau variant du Sars-CoV-2, baptisé Omicron (B.1.1.529) et classé « préoccupant » (variant of concern - VOC) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 26 novembre.
Lors d’un point presse ce 29 novembre, plusieurs membres du Conseil scientifique ont rappelé les incertitudes concernant ce variant aux nombreuses mutations qui a entraîné l'isolement de l’Afrique australe du reste du monde en quelques jours.
De nombreux pays, en Europe notamment, ont rapidement fermé leurs frontières après le partage par les autorités sud-africaines des premières données scientifiques sur Omicron, le 25 novembre. Une attitude déplorée par l’OMS et par l’Afrique du Sud, dont le gouvernement dit se sentir puni « pour son séquençage génomique avancé et sa capacité à détecter plus rapidement de nouveaux variants ».
En France, aucun cas n’a pour l’instant été confirmé, des cas suspects et/ou probables sont en cours de séquençage. Après les premières annonces de cas à Hong Kong, au Botswana, en Israël et en Belgique, le 26 novembre, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a jugé « élevé à très élevé » le niveau de risque associé à Omicron en Europe.
« Nous comprenons que les gens soient inquiets. La bonne chose est que nous avons des systèmes de surveillance dans le monde entier pour détecter ces variants très rapidement », a souligné Maria Van Kerkhove, responsable de la gestion de l'épidémie de Covid-19 à l'OMS, appelant à la vaccination et au maintien des gestes barrières.
Des combinaisons de mutations aux conséquences inconnues
Omicron a été détecté en Afrique du Sud autour du « 8 ou 9 novembre », date à partir de laquelle le pays a connu une augmentation des cas de Covid-19, indique le Pr Lina. Les résultats de son séquençage, connus le 23 novembre, ont fait apparaître une « série de mutations extrêmement nombreuses », lançant un « signal international », poursuit-il.
Son émergence pourrait être le résultat d’un portage prolongé du virus chez un patient immunodéprimé dans un pays où la vaccination reste faible (autour de 28 %, principalement avec les vaccins d’AstraZeneca et Janssen) et où le variant Delta circule peu.
Omicron est porteur d’environ 50 mutations, dont plus de 30 dans la protéine Spike et certaines à l'extrémité N-terminale, une région « impliquée dans la réponse immunitaire », souligne le Pr Lina. Certaines mutations sont communes aux variants Alpha, Bêta, Gamma ou Delta, mais d'autres inconnues, et surtout leurs combinaisons, peuvent faire craindre un échappement immunitaire.
« Apparemment, il ne perd pas en capacité de transmission », indique le Pr Lina, ajoutant qu’il y a des « possibilités de réinfection ». Les tests PCR et antigéniques fonctionnent, Omicron n’entraînant pas de défaut de dépistage.
Le criblage est plus délicat, malgré la mobilisation du consortium Emergen, coordonnée par Santé publique France. Actuellement, les variants en circulation en France justifient trois tests de criblage. Un quatrième se révèle nécessaire pour détecter Omicron. « La délétion 69/70 dans Spike » devrait être ciblée, selon le virologue, qui indique collaborer avec les autorités sud-africaines pour obtenir une souche du nouveau variant.
Une virulence encore inconnue
Côté virulence, des « symptômes légers » ont été rapportés par la Dr Angelique Coetzee, présidente de l'Association médicale sud-africaine, qui a traité une trentaine de patients contaminés par Omicron, dont des vaccinés. Fatigue, courbatures, toux sèche, faible fièvre ou « une gorge qui gratte » sont décrits chez des patients âgés de moins de 40 ans.
Le directeur de l’ANRS, le Pr Yazdan Yazadanpanah, également membre du Conseil scientifique, appelle à « beaucoup de prudence » face à ces premières informations, jugeant qu’il est « trop tôt » pour se prononcer au vu notamment de la jeunesse des cas rapportés.
Des études vont être lancées pour évaluer la sensibilité d’Omicron aux traitements, tant pour les anticorps monoclonaux que pour les antiviraux. Pour l’instant, les travaux restent « théoriques », indique le Pr Yazdanpanah. Les antiviraux de Merck (monulpinavir) et Pfizer (paxlovid) ciblent la polymérase pour le premier et la protéase pour le second. « A priori », il n’y a « pas de raison de penser que ces molécules ne seraient pas efficaces, mais c’est à confirmer », précise-t-il.
Des études de séroneutralisation vont être menées. Les résultats sur l’immunité humorale sont attendus dans « deux ou trois semaines », explique l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, lui aussi membre du Conseil scientifique. Pour la réponse cellulaire, les données observationnelles ne pourront pas être disponibles « avant deux mois », poursuit-il.
L’adaptation des vaccins à ARNm à ce nouveau variant réclame un « délai théorique de 100 jours », selon le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, qui se veut prudent quant à la mise à disposition rapide d’une éventuelle nouvelle formule.
La vaccination, la campagne de rappel et les mesures barrières restent nécessaires pour garder le contrôle de l’épidémie. Impossible à ce stade de prédire si « la vague Delta peut freiner Omicron », mais « les mesures de freinage de l’épidémie Delta vont être utiles contre Omicron », estime Arnaud Fontanet.
Pour freiner l’impact des contaminations sur le système hospitalier, les stratégies appliquées (vaccination et mesures barrières) « ne vont en rien changer », selon lui, mais un renforcement des mesures de traçage et d’isolement est nécessaire.
C’est le sens du message adressé aux professionnels de santé par la Direction générale de la santé (DGS) le 27 novembre. Il stipule que toute personne « contact » d'une autre, testée positive au nouveau variant, devra être isolée même si elle est vaccinée.
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