Depuis la mise sur le marché de la pénicilline, on a prescrit les antibiotiques de façon totalement anarchique. « Certes des résistances apparaissaient, mais on était persuadé que l’on aurait toujours une marche d’avance sur la résistance, grâce à de nouvelles molécules mises sur le marché par l’industrie pharmaceutique », constate le Dr Gauzit. Mais dès les années 2000, « le pipeline » des nouveautés s’est progressivement tari, aboutissant à la situation que l’on connaît maintenant de multirésistance. En manque de solutions thérapeutique, on s’est à nouveau intéressé aux anciens antibiotiques.
L’augmentation de la résistance des bacilles à gram -, et plus particulièrement l’émergence des bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) a relancé des antibiotiques qui n’étaient pratiquement plus utilisés en curatif comme la cefoxitine, active sur de très nombreuses souches BLSE. L’objectif était de diminuer la consommation de carbapénèmes, en raison du risque d’émergence de souches sécrétrices de carbapénèmases. Pour les mêmes raisons, le sulfaméthoxazole, très utilisé en prophylaxie contre la pneumocystose, est de plus en plus prescrit en curatif, en particulier dans les infections urinaires comme alternative aux carbapénèmes ou aux fluoroquinolones dont le taux de résistance ne cesse d’augmenter. Une autre molécule qui avait disparu, le pivmécillinam est à nouveau utilisée dans les infections urinaires de la femme, toujours dans un but d’épargne des carbapénèmes. Même chose pour la témocilline, initialement mise sur le marché uniquement au Royaume-Uni et en Belgique. En raison de son activité sur la plupart des BLSE, la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), en partenariat avec le laboratoire belge détenteur de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), a contacté l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour aboutir à l’obtention d’une AMM en France à la fin de l’année 2014.
La seconde catégorie de molécules anciennes revenues sur le devant de la scène est représentée par les céphalosporines de première génération et en particulier la cefazoline utilisée en remplacement des pénicillines M (cloxacilline et oxacilline), en raison d’une rupture mondiale de leur approvisionnement.
La troisième catégorie est représentée par les molécules actives dans certains BGN toto ou pan-résistants, comme la fosfomycine. Mais le meilleur exemple du renouveau d’une molécule est celui de la colistine. « Abandonnée à la fin des années 1970, elle est aujourd’hui la molécule pivot, considérée comme la dernière molécule de recours, dans le traitement des infections à BGN toto ou pan-résistants, comme certains pyocyaniques, Acinetobacter spp, ou entérobactéries sécrétrices de carbapénèmases… Mais on s’est rendu compte que les données pharmacocinétiques que nous avions étaient fausses, car obtenues par dosages microbiologiques. À partir des nouveaux paramètres pharmacocinétiques, obtenus par HPLC, on a appris à la réutiliser, à optimiser les modalités d’administration et un nouveau libellé d’AMM existe depuis 2015, qui n’a rien à voir avec l’ancien… », explique le Dr Gauzit.
En termes d’optimisation des prescriptions, la colistine n’est pas une exception. Les modalités d’utilisation d’autres molécules, comme par exemple la céfoxitine ou la témocilline, ont été revues, avec en particulier une augmentation des posologies unitaires et/ou une utilisation en perfusions prolongées ou continues.
Dans ce contexte, la balance bénéfice-risque d’autres molécules, présentes sur le marché mais peu utilisées, mérite d’être réévaluée, comme celle du chloramphénicol ou de certains des 25 à 30 antibiotiques retirés du marché, parfois pour des raisons de toxicité, entre 1985 et 2010. Un des problèmes de cette réévaluation tient au fait que toutes sont génériquées et ne feront pas l’objet d’études sponsorisées par l’industrie, mais uniquement d’essais menés par des équipes médicales avec ou sans l’aide financier des institutions.
D’après un entretien avec le Dr Rémy Gauzit. Unité de réanimation thoracique, équipe mobile transversale d’Infectiologie, CHU Cochin (Paris)
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024