La progression du variant Delta (B.1.617, dit « indien ») sur le territoire inquiète les autorités. Il représente déjà « pas loin de 50 % » des contaminations, a indiqué le ministre de la santé, Olivier Véran, ce 9 juillet, au micro de « France Inter ». Ce variant étant « 60 % plus contagieux que les autres souches virales qui circulaient jusqu'ici », il les remplace progressivement et « sera bientôt majoritaire, probablement ce week-end, dans notre pays », a-t-il ajouté.
Conséquence de cette progression, « après 11 semaines consécutives de baisse, le taux d’incidence est en augmentation, à 25/100 000 habitants, soit +31 % par rapport à la semaine 25 », alerte Santé publique France (SPF). Son dernier point épidémiologique montre, en semaine 26, une « nette augmentation » chez les chez les 15-44 ans (+53 %) et une hausse « plus modérée » chez les 45-64 ans (+12 %). En métropole, aucun impact sur les hospitalisations n’est encore perceptible, mais la situation est jugée « préoccupante » en Martinique et dans une moindre mesure à La Réunion.
L’application des mesures barrières en recul
Si la dégradation des indicateurs peut être attribuée à la progression du variant Delta, la dernière enquête CoviPrev (21 au 28 juin) de SPF révèle également un recul de l’application des mesures barrières en lien avec l’interaction sociale. Seules 37 % des personnes interrogées déclaraient éviter les regroupements en face-à-face avec des proches (contre 43 % en vague 24, du 17 au 19 mai). De même, « suite à l’allègement de la mesure sur le port du masque en extérieur durant le mois de juin, une diminution significative concernant son adoption systématique était observée (70 % en vague 25 contre 82 % en vague 24) », note SPF.
La crainte d’une 4e vague pourrait conduire le gouvernement à prendre de nouvelles mesures. Un Conseil de défense sanitaire exceptionnel doit se tenir le 12 juillet. Présidé par Emmanuel Macron, il pourrait déboucher sur l'extension du pass sanitaire et sur l'obligation vaccinale pour les soignants. Une allocution du chef de l'État est prévue le soir même à 20 h 00.
Dans son dernier avis actualisé le 8 juillet, le Conseil scientifique se prononce en faveur d’une telle obligation et envisage son extension « à d'autres catégories, comme les "aidants", le personnel des services à la personne ou l'ensemble des professionnels (non sanitaires) exposés et exposant à un risque pour autrui ».
Alors qu’une « 4e vague liée au variant Delta pourrait survenir rapidement, avec un retentissement sur le système de soins », le Conseil est également favorable à un abaissement de la jauge pour les événements soumis à un pass sanitaire (actuellement fixée à 1 000 personnes) et à des « mesures partielles de restrictions » dans les territoires les plus touchés, « y compris en juillet et août ».
Une vaccination insuffisante
Le niveau de vaccination est par ailleurs jugé « insuffisant », notamment chez les plus de 60 ans, chez les personnes à risque entre 40 et 60 ans et chez les « jeunes à risque et en particulier obèses ». Selon SPF, seuls 38 % des Français ont été vaccinés avec un schéma complet (52 % de la population a reçu une première dose), alors que le Conseil scientifique estime désormais à 90 à 95 % le pourcentage de personnes vaccinées ou infectées pour parvenir à un contrôle de l’épidémie. Cet ajustement est justifié par la transmission accrue des nouveaux variants, est-il souligné.
Sur « RTL », Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique, a lancé ce 9 juillet un nouvel appel en faveur de la vaccination, alors que « beaucoup d’incertitudes » persistent, notamment les comportements individuels pendant la période estivale et sur la « protection réelle apportée par la vaccination ». Selon lui, une vaccination insuffisante pourrait conduire « vers la fin août » à « une montée des hospitalisations et une remise en tension de notre système hospitalier », alors que face au variant Delta, « même si on se rend compte que la vaccination n'est pas efficace à 100 %, elle l'est quand même à 95 % contre les formes graves », affirme l’épidémiologiste.
Dans « Nature », des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’Hôpital européen Georges Pompidou AP-HP, le CHR d’Orléans et le CHU de Strasbourg, ont étudié la sensibilité du variant Delta aux anticorps, qu’ils soient thérapeutiques, acquis par une infection ou la vaccination, en comparaison avec le variant Alpha (B1.1.7, dit « anglais »). « Nous avons isolé une souche infectieuse du virus Delta et utilisé un nouveau test de neutralisation rapide et semi-automatisé, mis au point dans notre laboratoire », explique Olivier Schwartz, coauteur de l’étude et responsable de l’unité Virus et immunité (Institut Pasteur/CNRS), dans un communiqué.
Un variant moins sensible aux anticorps neutralisants
Les anticorps monoclonaux thérapeutiques, les sérums de personnes ayant été exposées au SARS-CoV-2 ou ayant été vaccinées ont ainsi été confrontés au variant détecté pour la première fois en Inde. Pour les premiers, le variant Delta s’est révélé résistant à la neutralisation par certains mAb anti-NTD et anti-RBD, y compris le bamlanivimab, dont la liaison à la protéine Spike était altérée. Trois autres anticorps thérapeutiques testés, l'etesevimab, le casirivimab, et l'imdevimab restent en revanche « actifs » face au variant, rassurent les auteurs.
L’analyse des sérums de personnes ayant été infectées dans les 12 mois suivant les symptômes montre par ailleurs des concentrations d'anticorps neutralisants « 4 fois moins puissantes contre le variant Delta, par rapport au variant Alpha (B.1.1.7) », poursuivent-ils. Une concentration d’anticorps quatre fois plus élevée serait donc nécessaire pour neutraliser le variant Delta par rapport à la souche Alpha.
Protection insuffisante avec une dose vaccinale
Les sérums après vaccination complète (Pfizer ou AstraZeneca) affichent également une efficacité légèrement inférieure face au variant Delta par rapport à Alpha. « L'administration de deux doses a généré une réponse neutralisante chez 95 % des individus, avec des titres 3 à 5 fois plus faibles contre Delta qu'Alpha », est-il précisé, sans « différence majeure » entre Pfizer ou AstraZeneca. En revanche, les sérums de sujets n’ayant reçu qu’une dose de vaccin (Pfizer ou AstraZeneca) « ont à peine inhibé le variant Delta », avec « environ 10 % des sérums » seulement qui ont neutralisé ce variant.
Selon les auteurs, ces résultats démontrent que le variant Delta échappe « partiellement mais significativement » aux mAb neutralisants et aux anticorps polyclonaux provoqués par une infection ou une vaccination. « La propagation du variant Delta est associée à une fuite vers des anticorps ciblant les épitopes non-RBD et RBD Spike », indiquent-ils.
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