Malgré une position « très honorable » dans les classements internationaux, la recherche française en infectiologie pâtit d’un manque de financements pérennes, d’un pilotage et d’une coordination insuffisants, d’un déficit d’attractivité des postes de chercheurs et de l’immaturité de l’écosystème public-privé, juge la Cour des comptes dans un rapport rendu public le 9 février.
En juillet dernier, les sages de la rue Cambon avaient déjà pointé les lacunes de la recherche contre le Covid-19, soulignant l’insuffisance et la dispersion des financements en la matière. Dans cette nouvelle analyse, c’est l’ensemble de la recherche en infectiologie qui est scruté. « Si la crise sanitaire du Sars-CoV-2 a rappelé que les maladies infectieuses émergentes constituent une menace universelle, elle a également mis en lumière le manque de préparation, d’anticipation et de priorité accordées par la France à la lutte contre ces maladies », déplore le rapport.
Des fragilités en matière de pilotage et d’attractivité
Malgré les efforts menés dans la lutte contre le sida et malgré la récurrence des épisodes épidémiques au niveau mondial, « aucun mouvement de structuration dans le domaine des maladies infectieuses n’a été enclenché », poursuivent les auteurs. Conséquence de cette « absence de vision d’ensemble », « des équipements indispensables à cette recherche, tels les cryo-microscopes électroniques, ont manqué en nombre au moment de la crise du Covid-19 », est-il observé.
Côté financement, la « légère progression » des ressources, « de l’ordre de 14 % entre 2015 et 2020 »*, est-il rappelé, ne s’est pas accompagnée de la définition d’une « priorité marquée ». À cette fragilité s’ajoute une insuffisance de pilotage des acteurs impliqués, liée notamment à la complexité de coordonner des unités de recherche dépendantes de différents organismes de recherche.
Cette difficulté s’est illustrée pendant la crise sanitaire, au cours de laquelle « l’absence de pilotage stratégique a conduit à une dispersion des financements et des essais cliniques, au détriment des projets les plus prometteurs », analyse la Cour, reprenant les conclusions de son précédent rapport. Et la part croissante des appels à projets dans le travail des chercheurs et leurs rémunérations « inférieures aux standards des pays comparables » participent à réduire l’attractivité des laboratoires français.
Faire de l’ANRS le chef de file de la recherche en infectiologie
Autre sujet d’inquiétude, le passage de la recherche à l’innovation reste « encore insuffisamment développé », estime le rapport, soulignant la persistance de « cloisonnements », liée notamment à une séparation entre le financement de la recherche fondamentale par l’Agence nationale de la recherche (ANR) d'un côté et de la recherche clinique par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) de l'autre, et à un manque d’attractivité pour les médecins. Le continuum jusqu’à l’innovation souffre quant à lui d’une « absence de maturité de l’écosystème public-privé », à cause notamment du « désintérêt » des industriels pour une spécialité dont les cas sont concentrés dans les pays à faible revenu.
Une première réponse à ces différents enjeux a été apportée par l’extension du champ de compétence de l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales) aux maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), en janvier 2021, selon le rapport. « Cependant, cette extension doit aller de pair avec l’octroi, le fléchage et la traçabilité d’une allocation financière pérenne et constante pour l’exercice de cette mission élargie et, à terme, avec l’attribution du rôle de chef de file de la recherche en infectiologie à cette structure », est-il préconisé. De même, « le rôle de la future agence de l’innovation en santé apparaît primordial pour inciter à l’investissement public comme privé dans la recherche sur les maladies infectieuses émergentes », considère la Cour.
*Sur la période, les financements accordés à la recherche en sciences de la vie ont diminué de 12%.
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