LE QUOTIDIEN Comment vaccine-t-on près de 250 000 personnes avec un vaccin encore en cours dévaluation, et donc non autorisé ?
Dr SETH BERKLEY : Le fait qu'un vaccin non encore testé chez l'humain en 2015 ait pu être utilisé sur le terrain sur une telle échelle en 2019 constitue un incroyable succès. Il faut remercier pour cela les chercheurs, les agences de régulation et surtout les ONG comme Médecins sans frontières. Historiquement, à l'acmé de l'épidémie de 2014, en Guinée, il était clair que des vaccins existaient et devaient être testés. En 2015, notre bureau exécutif a décidé de créer un nouvel outil : « un engagement d'achat de vaccin ».
Il s'agissait de garantir aux laboratoires l'achat de vaccins pour une somme maximale de 300 millions de dollars (272 millions d'euros). Nous avons ajouté 45 millions de dollars supplémentaires (40 millions d'euros) de provision pour organiser la vaccination sur place.
En contrepartie, Mercks devait produire et maintenir à disposition 300 000 doses de vaccin et remplir une demande d'autorisation d'utilisation en situation d'urgence auprès de l'OMS. Une dernière condition était le dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de l'Agence américaine du médicament et de son homologue européen, l'EMA, avant la fin de 2017. Ils n'ont pas réussi à remplir cette dernière condition dans les temps car le dossier reste complexe. Mais l'association africaine des agences de régulation a pris un engagement pour soumettre ce vaccin à une procédure accélérée et étudier son dossier en moins de 6 mois.
D'un point de vue opérationnel, quels ont été les défis techniques à relever ?
Un point important était le respect de la chaîne du froid. Le rVSV ZEBOV GP doit être conservé à une température de -18°C. Des tests menés par le laboratoire ont montré que le vaccin restait finalement stable pendant 2 semaines entre 2 et 8°C.
Dans un premier temps, nous avons utilisé de la carboglace pour transporter les doses de vaccin. Par la suite, nous avons eu recours à des dispositifs réfrigérants portables fonctionnant sur batterie.
La lutte contre l'épidémie d'Ebola rencontre des résistances locales parfois violentes alimentées par un certain nombre de rumeurs. Comment avez-vous géré cette difficulté particulière ?
Pour notre campagne de vaccination en ceinture, nous installons des sites de vaccination en bordure des villes et des villages. Les malades peuvent venir se faire vacciner, on évite ainsi le risque de stigmatisation provoquée par la vue d'équipes qui se rendraient directement à leur domicile.
Au début, nous faisions l'erreur d'employer des personnels qualifiés, mais originaires d'autres régions, voire de Guinée. Au fur et à mesure de l'inclusion des personnels de santé locaux, la confiance s'est progressivement installée.
Lors de mon passage à Butembo et à Goma, j'ai tiré la conclusion que la vaccination seule ne viendrait pas à bout de l'épidémie. En revanche, elle a empêché que la propagation devienne catastrophique. Seulement 60 à 70 % des cas sont identifiés et conduits dans les centres de traitement. La riposte est moins efficace que lors de l'épidémie d'Afrique de l'Ouest.
Les données de la campagne de vaccination doivent-elles servir à court terme à appuyer la demande d'AMM du rVSV Zebov ?
Avec 300 000 personnes, nous commençons à avoir des données très robustes. Il y a 2 questions auxquelles il faut apporter des réponses : le vaccin est-il efficace ? Est-il sûr ? Lorsque l'OMS a organisé l'essai « Ebola ça suffit » en Guinée en 2015, elle a obtenu 100 % d'efficacité. Une autre évaluation entamée au début de l'épidémie actuelle a montré une efficacité de 97,5 %. Il s'agit donc d'un vaccin très efficace. Actuellement, nous sommes en train d'en étudier les effets secondaires dont les données sont collectées sur l'ensemble des personnes vaccinées.
Le SAGE a récemment fixé les modalités d'introduction du 2e vaccin contre Ebola, le vaccin expérimental Ad26.ZEBOV/MVA-BN de Johnson & Johnson. Est-ce que le GAVI s'y intéresse aussi ?
Contrairement au rVSV ZEBOV GP, l'Ad26.ZEBOV/MVA-BN ne dispose d'aucune donnée d'efficacité chez l'homme. En janvier 2016, lorsque nous avons proposé aux différents laboratoires de bénéficier d'un pré-achat de vaccin, Johnson & Johnson n'a pas saisi cette opportunité. S'il dispose un jour d'une AMM et se révèle coût efficace, nous envisagerons de l'utiliser. La principale difficulté de ce vaccin est son schéma vaccinal, 2 doses de composition différente, espacées de 56 jours. Dans le contexte des régions rurales africaines, il faut étudier la faisabilité d'un tel schéma.
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