En 2019, selon les dernières données de l’OCDE, la France comptait 15,4 IRM et 18,2 TDM par million d’habitants, des taux très proches de l’Estonie, au-dessous de la moyenne de l’OCDE (16,9 IRM et 25,9 TDM), moitié moins que l’Italie ou l’Allemagne, et très loin des USA ou du Japon. Le délai d’attente d’une IRM pour bilan néoplasique était en moyenne en 2021 de 32 jours environ (Rapport du SNITEM). Une IRM pouvait être attendue jusqu’à 52 jours en Bretagne et 70 jours en Pays de Loire (étude CEMKA).
Ce retard impacte fortement l’accès des patients à des techniques désormais indispensables à la prévention, au diagnostic ou au suivi, ce qui se traduit par une perte de chance. Le plan cancer 2014-2019 prévoyait un délai maximal d’accès à l’IRM de 20 jours. Nous n’y sommes toujours pas.
Une fois ce constat effectué, que peut-on faire ? Comment améliorer l’accès à l’imagerie lourde ? Comment augmenter le service rendu aux patients ?
Tout d’abord, il faut abandonner ce dogme national qui considère que la demande de soins dépend essentiellement de l’offre, comme on a pu le faire avec le numerus clausus, et que l’on a aussi transposé à certains domaines, comme en imagerie.
Si cela peut avoir un sens financier, ça n’en a aucun en terme médical ou d’accès aux soins : il n’y aura en effet pas moins de cancers du poumon ou de SEP si l’accès au scanner thoracique et à l’IRM encéphalique est restreint (il est vrai cependant qu’on le saura moins ou plus tardivement).
Il faut donc envisager l’offre à la hauteur des enjeux, et non de façon strictement comptable ; car les retards diagnostics et de prévention sont non seulement préjudiciables en termes de santé publique et de souffrance personnelle, mais aussi en termes de coût futur sociétal.
Ensuite, il est indispensable de réformer le système des autorisations, actuellement sous la responsabilité des ARS, dans le cadre de plans quinquennaux, qui verrouillaient le nombre de nouvelles machines par des procédures d’attribution complexes. En cela, l’arrêté du 1er février 2022 concernant les équipements de médecine nucléaire semble positif et ouvrir la voie à un régime d’autorisation d’activité et non d’équipements, réclamé depuis des années.
De même, l’annonce récente de l’ARS des Hauts-de-France de l’attribution de 22 scanners et 22 IRM est encourageante… si bien sûr il y a assez de manipulateurs et de médecins radiologues pour les faire fonctionner. Car c’est là aussi l’un des points faibles du système actuel : la démographie des professionnels de soins, que ce soit à l’hôpital ou en libéral. Un point essentiel qui détermine pourtant si oui ou non l’équipement pourra être utile à la population, notamment son accès complet durable.
Il est aussi devenu indispensable de penser l’imagerie lourde en termes de maillage territorial afin d’accroître le service rendu à la population, comme cela se fait avec les pôles de santé. L’hypercentralisation de l’imagerie en coupes devrait en effet être remplacée par des pôles locaux mixtes de soins et d’imagerie ambulatoire, comme cela a pu être fait à Mimizan (40) ou est en cours de création à Charleval (27). Cet adossement à un pôle clinique présente de nombreux avantages : la proximité et l’accès aisé pour les patients, un investissement moindre pour l’État car assumé partiellement par les libéraux, une attractivité réciproque pour de futurs médecins assurant la pérennité des structures, un réseau de soins local améliorant la pertinence des demandes et des soins.
Cette pertinence des demandes est essentielle pour l’avenir d’une imagerie pertinente ; et ne peut passer que par une collaboration tri partite patients-cliniciens-radiologues. Cet enjeu majeur nécessite probablement la création d’outils pédagogiques originaux et sera facilité par un accès plus aisé aux techniques IRM/scanner, limitant de facto les examens d’attente ou de compromis, toujours insatisfaisants.
Alors que les futurs PRS (Plans Régionaux de Santé) seront dévoilés en 2023, pour une durée de 5 ans, jusqu’en 2028, il est indispensable que tous les acteurs du système, soignants, ARS, ministère de la Santé et DGOS se saisissent du sujet, et posent les bases de notre avenir. Celui d’un accès rapide et aisé à une imagerie moderne, pour tous, quel que soit le territoire. Celui d’une collaboration locale facilitée et profitable aux patients. Celui d’une médecine digne de notre pays, et des enjeux de santé publique et du vieillissement. Un futur à la hauteur de notre pays et du budget de la santé.
Exergue : Il est devenu indispensable de penser l’imagerie lourde en termes de maillage territorial
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