Violences, addictions, précarité, troubles de la santé mentale, handicap… Les vulnérabilités médicales, psychologiques ou sociales des femmes peuvent avoir un impact sur la grossesse et le post-partum. « Quand les femmes accumulent les difficultés, la grossesse passe au second plan », résumait récemment le Dr Bruno Renevier, gynécologue-obstétrien au centre hospitalier intercommunal de Montreuil (Seine-Saint-Denis), dans les pages du Quotidien.
Ces vulnérabilités peuvent avoir des conséquences délétères sur la santé des femmes enceintes et celle de leur enfant, avec des surrisques de morbidité et de mortalité maternelle, d'anomalies congénitales, d'accouchement prématuré, de petit poids de naissance… Améliorer le pronostic de ces mères et de leurs enfants réclame un « repérage précoce » des facteurs de vulnérabilité et un « accompagnement coordonné entre professionnels », encourage la Haute Autorité de santé (HAS).
Dans un avis publié le 9 février, l’instance détaille ses recommandations et propose six fiches pratiques sur des situations spécifiques (addictions, handicap, milieu carcéral, grossesse chez une mineure, grande précarité, violences conjugales).
Une attention aux spécificités de la vulnérabilité
Médecins, sages-femmes, infirmiers, psychologues et assistantes sociales sont invités à pratiquer un dépistage systématique « le plus précocement possible » des situations de vulnérabilité. Consultation préconceptionnelle, consultations médicales de suivi de grossesse, séances de préparation à la naissance, consultation postnatale sont autant d’occasions d’aborder la situation de la mère.
Le professionnel devra alors « favoriser un climat de confiance », s’assurer de la compréhension (interprétariat, supports Falc) et porter attention aux « singularités de chaque femme » (ressources, entourage, parcours), afin d’initier une « prise en soins personnalisée », est-il préconisé.
Au cours de la grossesse, les objectifs de l’accompagnement portent sur l'accès aux soins médicaux et la satisfaction des besoins primaires (hébergement, alimentation, accès à l'eau et à l'hygiène). Plusieurs outils sont mobilisables : réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) sur les situations complexes, visites à domicile, hospitalisation de jour (en cas de rendez-vous avec différents intervenants), hospitalisation à domicile et interventions de TISF (technicien de l'intervention sociale et familiale), d’AVS (accompagnant éducatif et social) et/ou d'AES (auxiliaire de vie sociale). Si tous les professionnels de la grossesse et de la périnatalité sont concernés, la protection maternelle et infantile (PMI) joue un « rôle central », est-il souligné.
Des « staffs médico-psycho-sociaux » autour des mères
La mise en place d’un tel accompagnement passe par une coordination de l’ensemble des professionnels intervenant auprès de la mère (hôpital et ville), avec des « staffs médico-psycho-sociaux » (réunions régulières entre soignants et acteurs du médico-social sur les parcours personnalisés) et « idéalement » un référent unique, « de préférence un professionnel de santé », indique la HAS. Cet interlocuteur « privilégié » doit être « choisi en accord » avec la mère, est-il précisé.
L’accouchement et le séjour à la maternité sont à anticiper, de même que l’accompagnement du postpartum et le retour à domicile. Avant la sortie, les professionnels doivent orienter vers des structures d’accueil et d’hébergement si nécessaire, mettre en place le suivi médical, mais aussi « évaluer les compétences parentales, les conditions environnementales de l’enfant, les ressources et les difficultés du couple ». Là encore, la HAS met en avant la nécessaire coordination des professionnels et l’orientation vers les structures adéquates.
Les bénéfices d’une intervention coordonnée
Ce type d’interventions coordonnées autour des besoins de la mère a fait ses preuves. En Seine-Saint-Denis, où la mortalité infantile est particulièrement élevée, l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France finance l'expérimentation d’une unité d’accompagnement personnalisé (UAP) associé au service de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier intercommunal de Montreuil. Les bénéfices de ses interventions pour réduire l’impact des risques sociaux sur la prématurité et la morbidité néonatale ont été détaillés dans BMC Pregnancy and Childbirth. Selon cette étude rétrospective, quand les femmes vulnérables bénéficient d’un accompagnement adapté à leur situation, le niveau de risque médical et obstétrical est réduit de 30 à 50 %.
Alors que la mortalité infantile (chez les nourrissons de moins d'un an) ne régresse plus en France depuis 2012, ces résultats soulignent la pertinence d’une prise en charge des facteurs de vulnérabilité. Une étude publiée en 2022 dans The Lancet alertait sur la hausse de la mortalité infantile observée en France, en particulier dans les premiers jours de la vie. Les principaux facteurs de risque de décès néonatals précoces (prématurité, présence d'anomalies congénitales) sont « affectés par la santé maternelle avant et pendant la grossesse, ainsi que par des facteurs socio-économiques », rappelaient les auteurs. Avec ses recommandations, la HAS s’attaque à ces déterminants pour, explique-t-elle, « permettre le développement harmonieux de l’enfant. »
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