L’Académie nationale de médecine remet ce mercredi le prix Salat Baroux 2014 au Pr Antonio Pellicer, gynécologue obstétricien espagnol, doyen de la faculté de médecine de Valence de 2006 à 2012, et fondateur de l’Institut d’infertilité de Valence (IVI). Créé en 1990, l’IVI recense aujourd’hui 28 cliniques dans le monde dont 22 en Espagne, les autres en Amérique du Sud et en Inde, et a permis 90 000 naissances des suites d’une assistance médicale à la procréation (AMP).
Le modèle espagnol
À l’occasion de ce prix, le Pr Antonio Pellicer a vanté le modèle espagnol du don d’ovocyte anonyme et rémunéré, dans certaines limites. « L’Espagne a depuis 1988 une législation très progressiste qui a permis de développer la recherche sur l’embryon, le don d’ovocyte, et leur congélation », a-t-il expliqué. Ainsi, une femme peut donner ses ovocyte deux fois par an maximum, six fois dans une vie, et chaque don est dédommagé entre 900 et 1 000 euros. L’enfant ne peut connaître l’identité de ses géniteurs qu’en cas de grave maladie. Selon le Pr Pellicer, il faut bien coupler l’anonymat avec la compensation financière. « En France, on ne rémunère pas la donneuse. Les femmes qui souffrent d’une insuffisance ovarienne doivent parfois attendre plusieurs années. D’où l’explosion des demandes sur Internet et la venue des femmes en Espagne – où le délai d’attente est de 2 mois. En Angleterre, l’anonymat n’est pas la règle. Malgré la compensation financière, il n’y a pas non plus de donneuses », explique-t-il.
La fécondation in vitro (FIV) avec don d’ovocyte (la donneuse ayant 25 ans en moyenne) affiche des taux de réussite de 65 à 70 %, tandis qu’une FIV après stimulation ovarienne de la femme plafonne à 55 %.
En 2014, les cliniques IVI ont administré à des Françaises 765 traitements pour bénéficier de dons d’ovocytes (soit 77 % du total des traitements), 110 pour une fécondation in vitro (11 %), 65 pour insémination artificielle (7 %). Entre 2013 et 2014, le nombre de Françaises venant dans le réseau IVI pour bénéficier d’un don d’ovocyte a augmenté de 15 %.
Congeler ses ovocytes pour contrer les méfaits de l’âge
Le Pr Pellicer plaide aussi en faveur de la préservation de la fertilité, notamment grâce à la vitrification ovocytaire. « La congélation d’ovocytes "sociale" pour arrêter les effets délétères de l’âge est une procédure non autorisée en France mais, personnellement, depuis cette Académie, j’aimerais inviter les autorités sanitaires à réfléchir sur cette décision », a déclaré le spécialiste en recevant le prix Salat Baroux.
En 2014, 341 femmes ont eu recours à IVI pour congeler leurs ovocytes pour raisons personnelles ou médicales non oncologiques, et 80 pour raisons oncologiques. Si la majorité des femmes qui entreprennent cette démarche ont entre 35 et 37 ans, il n’existe pas de limite d’âge en Espagne, même si la qualité et la quantité de la réserve ovarienne sont des critères déterminants. « Rien n’est interdit, mais nous ne recommandons pas après 50 ans », précise le Pr Pellicer, en signalant que plus la femme est jeune, meilleure est la fertilité. « La cause la plus importante de stérilité est l’âge de la femme », rappelle-t-il. Le coût d’une telle congélation s’élève à 2 000 euros, indique-t-il.
Appel pour une évolution de la législation française
« Notre problème est l’âge de la femme. C’est pourquoi nous travaillons aussi au rajeunissement des gamètes », insiste le Pr Pellicer, qui espère des résultats d’ici à 10 ans.
L’académicien et professeur d’endocrinologie Philippe Bouchard souhaite pour sa part que la législation française évolue. « Les obstacles à la rémunération du don d’ovocyte vont devoir sauter. Les femmes en insuffisance ovarienne sont dans une vraie souffrance, qui est prise en charge dans tous les autres pays, sauf en France ! », a-t-il déclaré. Et d’envisager de constituer un groupe de travail sur le sujet à l’Académie. « On espère que le Conseil consultation national d’éthique produira des conclusions en faveur du don d’ovocyte », a-t-il conclu.
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