À PEINE SIX ANS écoulés depuis la mise en évidence de la reprogrammation cellulaire chez la souris par le japonais Shinya Yamanaka en 2006. À peine six ans et plus de 1 000 brevets ont été déposés et déjà le premier essai clinique testant ces fameuses iPS est programmé pour 2013 par une équipe japonaise de Kobe dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). « C’est fabuleux, la recherche s’accélère à un rythme inouï depuis cinq ans, s’enthousiasme Jean-Marc Lemaître, auteur en novembre 2011 de travaux sur la reprogrammation et le rajeunissement de cellules centenaires. Alors qu’il a fallu près d’un demi-siècle entre les travaux précurseurs de John Gurdon et ceux de Shinya Yamanaka, grâce à tous les travaux sur les cellules souches embryonnaires, quelques années ont suffi pour parler de thérapie cellulaire, peut-être même de greffe d’organes entier. Les iPS, on n’a pas fini d’en parler ! ». Si les chercheurs pensaient s’en servir au départ pour « modéliser et comprendre » les maladies, en particulier en cas de cellules malades difficilement accessibles comme les neurones par exemple, très vite les applications thérapeutiques se sont imposées à la communauté scientifique. « On est à l’aube d’une révolution médicale », estime le chercheur, exalté par les perspectives cliniques.
Le chercheur d’or
« Il existe deux voies de recherche à visée thérapeutique, explique le Pr Marc Peschanski. La première consiste, à l’aide de cellules issues de patients ayant une maladie génétique, à identifier les anomalies liées à la présence de la mutation et à trouver un médicament adéquat grâce à la technique du "criblage". C’est la technique du chercheur d’or. Les centaines de milliers de molécules des énormes banques de données des laboratoires sont testées au petit bonheur la chance sur des iPS produites en masse ». La seconde voie de recherche est complètement autre : la médecine régénérative. « Elle consiste à utiliser les iPS comme on le ferait des cellules souches embryonnaires, poursuit Marc Peschanski. Ces cellules issues de donneurs sains et produites à volonté pourraient remplacer les cellules manquantes ou défaillantes ». Reste le problème de la compatibilité HLA. « La greffe autologue est difficilement envisageable en thérapeutique, expose Marc Peschanski. Pour obtenir une lignée cellulaire spécialisée, il faudrait au moins six mois de travail acharné. Ce type d’initiatives très coûteuses ne peut être proposé au plus grand nombre. Une autre piste est de constituer des banques d’iPS à partir de donneurs particuliers. Notre équipe a récemment montré l’intérêt des triples homozygotes pour l’haplotype A1, B8 et DR3 dans le système HLA, qui conviendrait à 14,5 % des sujets caucasiens. Avec la vingtaine d’haplotypes les plus abondants, il serait possible d’alimenter plus de la moitié de la population caucasienne. »
Pagaille épigénétique
Alors, les iPS, nouvel eldorado de la recherche ? « Les iPS ne remplacent pas les cellules souches embryonnaires, affirment sans aucune ambiguïté les deux chercheurs. « C’est le gold standard, auquel on se réfère constamment pour les iPS, ajoute Marc Peschanski, qui émet certaines réserves. Les iPS restent des OGM cellulaires. » Certes, le risque mutagène des débuts semble écarté avec l’arrivée de nouvelles technologies plus sûres. « Il n’y a plus d’intégration de gène dans l’ADN, détaille Jean-Marc Lemaître. Le risque d’instabilité génomique est ainsi limité au maximum. On n’utilise plus les vecteurs rétroviraux, au profit des ARN messagers, de plasmides ou des virus non intégratifs. » En revanche, il semble bel et bien exister des désordres épigénétiques. « Les cellules souches embryonnaires sont vierges de quasi toute empreinte épigénétique, une petite dizaine tout au plus, explique Marc Peschanski. Pour les iPS, c’est une pagaille terrible ! Ça ne ressemble à rien, ni aux cellules souches, ni aux cellules différenciées. Et la grande question est de savoir si ces anomalies ont un impact clinique ». Certains dispositifs de recherche autorisent de ne pas attendre de lever le doute pour lancer l’essai, comme c’est le cas pour l’équipe de Kobe dans la DMLA, forte du fait de pourvoir suivre et détruire ces cellules au laser à la moindre alerte.
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