Des acides gras insaturés nécrosants

Pancréatite aiguë et obésité font mauvais ménage

Publié le 07/11/2011
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Crédit photo : S Toubon

DE NOTRE CORRESPONDANTE

LES INDIVIDUS obèses ont, pour des raisons inexpliquées, un pronostic plus sombre que les individus minces au cours d’affections inflammatoires aiguës non infectieuses comme les brûlures sévères, un traumatisme grave et la pancréatite aiguë. Ils ont plus de risque de développer une défaillance d’organes (insuffisance respiratoire ou rénale), leur mortalité est accrue et ils présentent des taux sanguins plus élevés de marqueurs inflammatoires.

Navina et coll. (Université de Pittsburgh, États-Unis) ont choisi la pancréatite aiguë pour explorer les raisons de ce pronostic assombri chez les obèses.

En étudiant des échantillons pancréatiques d’autopsie de patients affectés de pancréatique aiguë (n= 24 patients dont certains obèses, d’autres non) et de témoins (n = 50), il est apparu que les patients obèses ont : 1) une augmentation de la graisse intrapancréatique ; 2) une nécrose pancréatique survenant principalement autour des zones de graisse nécrosée ; 3) une graisse majoritairement composée d’acides gras insaturés (dont les concentrations locales pourraient être multipliées par 3).

Une étude in vitro des cellules acineuses pancréatiques montre que les acides gras insaturés sont pro-inflammatoires, libèrent le calcium intracellulaire, inhibent les complexes mitochondriaux I et V, et causent une nécrose. En revanche, les acides gras saturés n’ont pas ces effets.

L’intérêt de l’inhibition de la lipolyse.

Les souris obèses (ob/ob) ayant une pancréatite sévère (induite par l’IL12 et l’IL18) ont une insuffisance rénale, avec des dépôts de graisse dans les tubules rénaux ; elles présentent également une atteinte pulmonaire et de faibles taux sériques de calcium comme dans la pancréatite sévère chez l’homme.

Enfin, il apparaît que l’inhibition de la lipolyse chez la souris obèse ayant une pancréatite induite (par l’IL12 et l’IL18) prévient l’élévation sérique des acides gras insaturés, ainsi que la lésion rénale, la lésion pulmonaire, l’inflammation systémique et l’hypocalcémie et réduit la nécrose pancréatique et la mortalité.

Ces résultats indiquent donc que les acides gras insaturés, libérés par la lipolyse des graisses stockées chez les patients obèses, peuvent causer une lipotoxicité qui contribue à la réponse inflammatoire, à la nécrose pancréatique (lipotoxicité locale) et à la défaillance d’organes éventuellement fatale (lipotoxicité systémique).

« L’inhibition de la lipolyse pourrait représenter une stratégie thérapeutique viable en limitant la lipotoxicité locale et systémique, et les complications, associées à la pancréatite aiguë grave », estiment les chercheurs qui soulignent l’absence de traitement spécifique pour cette affection et les autres affections inflammatoires sévères, en particulier chez les individus obèses.

« Après identification de la lipase ou des lipases responsables, des études cliniques devraient être conduites pour cibler ces enzymes afin d’évaluer l’efficacité de cette approche pour améliorer les évolutions cliniques durant ces maladies dévastatrices. »

Science Translational Medicine, 2 novembre 2011, Navina et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9037