La stratégie thérapeutique actuelle dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) cible à la fois la suppression des symptômes et celle de l’inflammation. « Il est maintenant prouvé que chez un patient traité pour MICI, l’absence de lésions inflammatoires visibles en endoscopie ou en IRM allonge très significativement la durée de la rémission », insiste le Pr Laharie.
Tolérance zéro pour l’inflammation
Dans la rectocolite hémorragique (RCH), on juge la réponse thérapeutique sur la suppression de la symptomatologie mais aussi sur la disparition des signes endoscopiques. Dans la maladie de Crohn, l'objectif du traitement est l’absence de symptomatologie et la rémission morphologique mais il reste encore à préciser les critères de rémission à l’endoscopie et à l’IRM.
La question de la conduite à tenir chez des patients asymptomatiques mais gardant des lésions endoscopiques reste en suspend, l’intensification du traitement dans ce cas n’ayant pas encore prouvé son intérêt.
Dosage de biomarqueurs à intégrer dans une réflexion globale
Des biomarqueurs comme la CRP ou la calprotectine fécale sont intéressants pour suivre le patient avec des critères plus objectifs que la clinique. La calprotectine, libérée par les polynucléaires neutrophiles dans l’intestin en cas d’inflammation a une bonne valeur prédictive négative lorsqu’elle est basse mais reste difficile à interpréter quand elle est élevée. Elle est plus intéressante dans la maladie de Crohn où l’endoscopie est plus complexe et les signes cliniques moins fiables que dans la RCH où la seule présence de sang dans les selles signale la non-rémission. Il n'existe pas actuellement de recommandation sur la fréquence de ces dosages. Autre examen de plus en plus utilisé, le dosage sanguin des médicaments, mais le débat reste ouvert sur la réponse thérapeutique à apporter selon les résultats.
« Ces examens biologiques constituent une aide appréciable pour le suivi des malades, et ils sont de plus en plus souvent demandés, peut-être même un peu trop ; d’une part ils ne sont pas remboursés, et d’autre part ils posent d’autres problèmes quant à leur interprétation. Ils ne suffisent pas à déterminer la décision thérapeutique et doivent s’intégrer dans une réflexion globale », insiste le Pr Laharie.
De nouvelles voies thérapeutiques contre l’inflammation
Depuis 2015, l’arsenal thérapeutique s’est enrichi de deux nouveaux médicaments, le golimumab, 3e traitement anti-TNF dans la RCH, et le vedolizumab, un anti-intégrine qui vise un autre mécanisme de l’inflammation et est indiqué dans la RCH et le Crohn en cas d’échec des anti-TNF.
La prochaine molécule à avoir l’AMM dans la maladie de Crohn sera l’ustekimumab, anticorps monoclonal dirigé contre les interleukines 12 et 23 et déjà prescrit dans le psoriasis. Il est efficace dans la maladie de Crohn naïve ou non de traitement par anti-TNF et son niveau de tolérance semble supérieur à ces derniers. Il est prescrit actuellement en cas d’échec des anti-TNF dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) avec une perfusion initiale (entre 15 000 et 30 000 euros !) suivie d’injections sous-cutanées toutes les 8 à 12 semaines.
Autre perspective, celle de pouvoir prescrire des médicaments par voie orale, comme le tofacitinib, inhibiteur des récepteurs JAK, déjà utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde et efficace dans la RCH; d’autres traitements oraux en phase II ou III devraient être disponibles dans les MICI à l’horizon 2020-2025.
« La stratégie thérapeutique cherche également à mieux positionner les médicaments, les uns par rapport aux autres mais aussi par rapport à la chirurgie dans une vision plus globale du traitement. Plus l’intervention thérapeutique est précoce, et plus le taux de rémission est élevé, mais se pose alors la question de la désescalade thérapeutique voire de l’arrêt du traitement ; on manque toutefois encore de données validant ces concepts », conclut le Pr Laharie.
D’après un entretien avec le Pr David Laharie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux
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