Mis au point par une équipe française

Le score de Lémann évalue la sévérité de maladie de Crohn

Publié le 08/04/2013
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LA MALADIE de Crohn touche tous les segments de l’appareil digestif. Depuis l’arrivée des biothérapies s’est progressivement imposée l’idée que la progression de la maladie était celle de lésions structurelles s’accumulant par poussées mais de façon irréversible, avec à la clé hospitalisations, chirurgies répétées et handicap (1). Le consensus de l’ECCO 2 010 a confirmé l’objectif de la rémission profonde – clinique, endoscopique et histologique– obtenue au plus tôt et maintenue dans le temps pour freiner cette progression(2).

Or, si les cliniciens disposent de plusieurs scores d’activité clinique (CDAI, HBI, PDAI), endoscopique (CDEIS, SESCD, score de Rutgeerts), et histologique (score de Geboes et al. et de D’Haens et al.), aucun n’évalue la destruction intestinale cumulée dans l’appareil digestif, ce qui a pourtant beaucoup de pertinence clinique pour le patient.

Un score global.

Le score de Lémann donne un score global, un score d’organe (appareil digestif supérieur, intestin grêle, colon et rectum, anus) et un score par segment. Il considère 3 segments dans l’appareil digestif haut (œsophage, estomac et duodénum), 20 segments de 20 cm dans l’intestin grêle, 6 segments dans le colon/rectum (colon ascendant, descendant, transverse, sigmoïde, rectum) et un seul segment pour l’anus.

L’objet de l’étude multicentrique conduite dans 15 pays et présentée au congrès de l’ECCO 2013 était de construire le score de Lémann tenant compte à la fois de l’étendue et de la sévérité des lésions digestives (1). 138 patients ont été inclus dans 12 centres, ce qui porte à 72, 1725, 500 et 59 le nombre de segments examinés dans l’appareil digestif haut, l’intestin, le colon-rectum et l’anus respectivement. Les lésions ont été évaluées par examen clinique, IRM, endoscopie et scanner si disponible.

Le calcul du score se fait d’abord au niveau de chaque segment, qui est noté de 0 (pas de lésion) à 10 (résection complète du segment). Pour ce faire, on examine, selon une échelle de sévérité (gradation prédéfinie allant de 0 à 3), s’il y a une sténose, une fistule ou un antécédent de chirurgie. Par exemple, pour la sténose, le grade 1 concerne les épaississements modérés de la paroi, le grade 2 les épaississements plus importants et le grade 3 les sténoses sévères avec dilatation présténotique. En fonction de ces lésions on donne un score de destruction au segment allant de 0 à 10. Les scores d’organes, notés aussi de 0 à 10, sont ensuite obtenus en additionnant les scores de chaque segment (divisé par le nombre de segments de l’organe).

Par exemple, pour un intestin grêle dont 3 segments ont été reséqués et deux segments sont notés 5/10, le score sera de 2/20 : (10/20)X3+(5/20)X2.

Enfin, un score global est attribué, prenant en compte les dommages des quatre organes. Le score de Lémann global ainsi validé va donc de 0 à 140 points (note théorique pour la résection complète de l’appareil digestif).

Une utilité clinique.

C’est une équipe française qui est à l’origine de ce nouveau score. Ce qui donne parfois aux Français une petite réputation d’être compliqués… Le Pr Colombel s’en explique : « l’objectif de ce score est avant tout d’être utilisé dans les essais cliniques qui visent à prévenir la progression des dommages digestifs. Toutefois, comme en rhumatologie, on sait qu’en pratique clinique quotidienne, même si on ne calcule pas le score, on garde en tête sa structure. »

Ce score continuera d’être documenté, avec notamment une étude en cours sur la corrélation avec le handicap. Il pèsera sans doute sur les questions de stratégie thérapeutique qui agitent actuellement le monde des micistes, et elles sont nombreuses. Par exemple quelle est la conduite à tenir vis-à-vis des traitements en cours en cas de grossesse ? Un problème crucial chez une population qui est jeune en majorité.

Congrès de l’European Crohn and colitis association, Vienne 2013

Entretien avec le Pr Jean-Frédéric Colombel, Mount Sinaï School of Medicine, New York, États-Unis. (1) B. Pariente et al. Inflamm Bowel Dis. 2011;17 :1415-22. (2) Journal of Crohn’s and Colitis,Feb 2010(4):1.

Dr CHARLOTTE POMMIER
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9232