« L’augmentation inexorable de l'obésité dans le monde, tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, a entraîné une augmentation corrélée du diabète de type 2. Plus d'un diabétique sur quatre souffre de douleurs nerveuses, mais il n'existe actuellement aucun traitement efficace et les patients doivent généralement se résigner à une vie de souffrance continue », explique le Pr Peter McNaughton, du King’s College de Londres, qui a dirigé ce travail publié dans la revue « Science Translational Medicine ».
« Notre étude révèle le mécanisme moléculaire qui engendre la douleur diabétique chez la souris, ce qui, nous l'espérons, informera les traitements futurs chez les personnes diabétiques », poursuit-il.
La neuropathie douloureuse diabétique est une complication fréquente de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2 ou de type 1. Les patients présentent divers symptômes : des douleurs spontanées continues ou paroxystiques, des douleurs provoquées par le simple contact des mains ou des pieds (allodynie), et des paresthésies comme des fourmillements ou une sensation de piqûres. Ces douleurs résistent aux antalgiques classiques et le traitement repose en première intention sur des antidépresseurs (tels que tricycliques…) ou des anticonvulsivants.
Le mécanisme physiopathologique reste mal compris. Les petites fibres nerveuses sont les premières atteintes, et la douleur pourrait être due à une décharge répétée, ou hyperexcitabilité, dans les fibres nerveuses nociceptives.
Suractivité de la protéine HCN2
L’équipe du King’s College a exploré le rôle d’une protéine appelée HCN2 (hyperpolarization-activated cyclic nucleotide-gated), qui sert de canal à ions présent sur les petits neurones nociceptifs. Ce canal joue un rôle clé dans la douleur inflammatoire et la douleur neuropathique. Pourrait-il jouer un rôle dans la douleur du diabétique ?
Tsantoulas et coll. en apportent la preuve dans des modèles murins de diabète de type 1 (souris rendue diabétique par la streptozocine) et de type 2 (souris db/db) en montrant qu’une suractivité de HCN2 est à l’origine de la douleur. Lorsque les canaux HCN2 sont génétiquement délétés dans les petits neurones nociceptifs, ou inhibés par le médicament ivabradine, la sensation de douleur disparaît. L’ivabradine est déjà approuvé pour le traitement de l’angor. Sachant que l’ivabradine inhibe les 4 types de canaux HCN (1 à 4), notamment l’HCN4 dont la mutation peut entraîner une bradycardie chez l'homme, les chercheurs ont examiné l’effet de ce traitement chez les souris. Hormis un léger ralentissement de la fréquence cardiaque, l’ivabradine est bien tolérée.
Le Pr Peter McNaughton précise toutefois au « Quotidien » : « Nous avons un essai clinique en cours avec des collègues de Cambridge pour évaluer l’analgésie avec l’ivabradine, et bon nombre de sujets ont une douleur neuropathique diabétique. Cependant, l’ivabradine semble peu susceptible d’être un analgésique utile car il cause une bradycardie importante ; il bloque en effet les canaux HCN4 et HCN1 qui modulent la fréquence cardiaque de manière aussi efficace qu’il bloque le canal HCN2 sous-tendant la douleur. La bradycardie ne semble pas trop affecter nos souris, mais les expériences sont menées dans un environnement très protégé ou les souris ne produisent pas de grand effort. »
L’idéal serait donc de développer des inhibiteurs sélectifs des canaux HCN2, d’autant que l’inhibition exerce un effet analgésique uniquement en condition pathologique, sans effet sur la nociception normale. Cet effort pourrait prendre de 5 à 7 ans avant de parvenir à la clinique, estime le Pr McNaughton. « À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de médicaments pouvant supprimer sélectivement l'activité du HCN2 sans affecter d'autres fonctions corporelles telles que la régulation de la fréquence cardiaque. Cette recherche incite à développer des médicaments ciblés contre la douleur qui inhibent le HCN2 sans affecter l'activité d'autres molécules », souligne le Dr Christoforos Tsantoulas.
Science Translational Medicine, 27 septembre 2017, Tsantoulas et coll.
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