La prévalence du nodule thyroïdien est élevée : de 11 à 55 % selon l’âge (à 60 ans, environ 60 % des femmes sont concernées). Il s’agit donc d’une pathologie fréquente, découverte à l’imagerie dans 50 % des cas, que les généralistes sont amenés à prendre en charge. Or, il faut savoir que plus de 90 % de ces nodules sont bénins, asymptomatiques et ne nécessitent pas de traitement. « Toute la problématique est donc d’identifier les nodules qui justifient une prise en charge », souligne la Pr Françoise Borson-Chazot (centre expert Euracan, hospices civils de Lyon), qui a coordonné ce travail pour la SFE.
Soit un réel enjeu de santé publique, car le fait d’opérer beaucoup de nodules contribue à retrouver des microcancers (leur incidence a été multipliée par plus de six en 30 ans), dont la grande majorité n’aurait pas évolué ultérieurement. Et, en 2010, sur 35 000 thyroïdectomies effectuées en France, seuls 17 % étaient porteuses de cancers : le pourcentage de nodules bénins opérés est donc élevé, ce qui engendre important un coût inutile, et une possible altération de la qualité de vie des patients. En 2021, le nombre de thyroïdectomies totales était tombé à 24 047, avec encore 44 % de nodules bénins : c’est mieux, mais une meilleure sélection des patients à opérer reste d’actualité.
Mieux identifier les nodules justifiant d’un traitement
Il faut cibler les nodules malins à risque de récidive ou de décès, ainsi que ceux qui sont toxiques ou compressifs. Un des moyens de limiter le surdiagnostic, qui conduit au surtraitement est de ne pas faire d’échographie de dépistage. « On ne fait d’échographie qu’en cas de nodule palpable, insiste la Pr Borson-Chazot. De plus, l’échographie doit impérativement être réalisée par un opérateur formé, capable de coter les résultats selon la classification Eu-Tirads. Elle permet de voir s’il y a un risque de malignité important ou pas. »
La cytoponction n’est pas réalisée si le nodule mesure moins de 1 cm, ou, quelle que soit sa dimension, s’il est bénin (Ti-Rads2) ou encore, en cas de nodule autonome sécrétant, avec une TSH basse (< 0,4mUI/l), qui indiquera alors une scintigraphie. Lorsque la cytoponction réalisée retrouve un nodule indéterminé, il serait intéressant de développer de nouveaux panels académiques en biologie moléculaire.
En chirurgie, il n’y a plus lieu d’opérer systématiquement les nodules de plus de 4 cm s’ils sont bénins et n’entraînent aucune gêne. Pour les petits nodules et ceux qui sont indéterminés sans critère d’agressivité, la lobectomie est privilégiée et les prises en charge en ambulatoire commencent à se développer (cela n’est pas proposé en cas de thyroïdectomie totale en raison du risque d’hématome postopératoire).
L’iode radioactif reste le traitement privilégié en cas de nodule toxique.
La thermoablation (radiofréquence) est considérée comme une alternative efficace à la chirurgie pour les nodules bénins, même gros : cette technique permet d’épargner le tissu sain et d’éviter la thyroïdectomie.
Une surveillance adaptée
Pour les nodules médiolobulaires, à distance de la capsule et de la trachée, surtout après l’âge de 40 ans, la surveillance active des microcancers (< 10 mm) ou des micronodules très suspects à l’échographie est une alternative, validée, à la chirurgie. La plupart de ces nodules restent stables et il n’y a pas de perte de chance à réaliser une surveillance active. « Les microcancers représentent 30 à 50 % de l’ensemble des carcinomes thyroïdiens. Hormis ceux découverts devant un ganglion, le risque de mortalité spécifique est nul et le risque d’atteinte métastatique, très faible », indique la Pr Borson-Chazot. Une surveillance échographique à 6 mois, 12 mois, puis annuelle jusqu’à la fin de la 5e année, puis à 7 ans et enfin espacée tous les 2 à 3 ans, est recommandée.
Les indications à la chirurgie sont l’apparition d’un ganglion, l’accroissement de volume prouvé à deux échographies consécutives (autour de 3 mm ou de 50 % du volume) ou le souhait du patient. Certaines tumeurs — tumeurs vésiculaires non invasives avec noyaux de type papillaire (NIFTP) — sont désormais considérées comme des précancers, avec un très faible risque de récidive (moins de 1 %, quelle que soit leur taille), raison pour laquelle elles ne nécessitent qu’une seule surveillance échographique, de 6 à 12 mois après la chirurgie. « Enfin, quand un nodule n’est pas opéré, mais qu’il a été ponctionné, le rythme de la surveillance échographique dépend des caractéristiques échographiques et des résultats de la cytoponction », précise la Pr Borson-Chazot.
Exergue : « On ne fait d’échographie qu’en cas de nodule palpable »
Entretien avec la Pr Françoise Borson-Chazot (Lyon), coordinatrice du consensus pour la SFE
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