Entretien avec le Pr Dominique Simon*
LA CORTICOTHÉRAPIE prescrite dans des pathologies chroniques inflammatoires ou à visée immunosuppressive après une greffe peut induire des anomalies de la croissance, des troubles de la composition corporelle, le retentissement étant d’autant plus important que la durée du traitement est longue et les doses importantes. La corticothérapie inhalée a probablement un impact moindre que la corticothérapie orale sur la croissance puisque le passage sanguin est moindre que celui des corticoïdes oraux, cependant on peut observer chez certains enfants des stigmates biologiques de freinage de l’axe corticotrope, avec un retentissement potentiel sur la taille. Même constatation avec certains topiques dermatologiques, appliqués en trop grande quantité et entraînant un passage transcutané important.
Insuffisance de sécrétion et/ou résistance à la GH.
Pathologie chronique et corticothérapie conjuguent leurs effets délétères sur la croissance. L’inflammation et les cytokines inflammatoires induisent à la fois une résistance à l’hormone de croissance (growth hormone, GH) et une diminution de sa sécrétion, auxquelles s’associe la fréquente dénutrition, majorée en cas de troubles de l’absorption digestives. Il est d’autant plus difficile de faire la part des choses que plus la maladie est sévère et plus les doses de corticoïdes sont élevées.
L’inflammation, aussi bien que le traitement, retentissent à la fois sur la sécrétion et sur la résistance à la GH. Ils provoquent une baisse des taux d’IGF1 et altérent le développement des cartilages de croissance. Mais il a aussi été montré que les cytokines et les corticostéroïdes induisent directement des anomalies au niveau de ces cartilages. Ces effets directs, indépendants de l’axe somatotrope étant au moins aussi importants que les effets indirects. « Corticostéroïdes et inflammation retentissent sur le versant endocrine de la croissance mais aussi vraisemblablement sur le versant paracrine, au niveau du cartilage de croissance », souligne le Pr Dominique Simon (hôpital Robert Debré, Paris).
Surveiller la courbe de croissance.
Il faut surveiller la courbe de croissance des enfants sous corticothérapie plutôt que de demander systématiquement des tests de stimulation de l’hormone de croissance. Ces derniers peuvent être proposés en cas de retard statural ou de ralentissement de la croissance, pour en évaluer le mécanisme : le pic de GH en réponse à la stimulation est élevé en cas d’insuffisance sécrétoire et plutôt abaissé en cas de résistance à la GH. Le taux sérique d’IGF1 est bas dans les deux cas. « L’intérêt des tests de stimulation est limité par les difficultés d’interprétation et leur manque d’homogénéité. De plus, les retards pubertaires volontiers associés peuvent induire des déficits fonctionnels en GH », souligne l’endocrinologue.
Chez ces enfants atteints de pathologies chroniques, le retard de croissance peut être limité par le contrôle optimal de la maladie, en agissant au niveau des différents facteurs comme l’état nutritionnel et l’inflammation, tout en essayant de limiter les doses de corticoïdes et, si cela n’est pas possible, en recourant à des traitements plus spécifiques de la maladie comme les biothérapies.
Traitement par hormone de croissance : rattraper la vitesse de croissance.
On peut contrecarrer les conséquences délétères des corticostéroïdes par l’administration d’hormone de croissance à des doses allant de 0,33 à 0,46 mg/kg/semaine dans les situations plus inflammatoires. Les essais thérapeutiques menés en France ou dans d’autres pays d’Europe comme en Allemagne ont montré que ce traitement normalise la vitesse de croissance et peut même permettre un rattrapage du retard de taille et améliorer ultérieurement la stature à l’âge adulte. Actuellement, ce traitement n’a l’AMM dans les pathologies inflammatoires corticodépendantes que lorsque le déficit en GH est prouvé. Le profil biologique de l’enfant ne préjuge pas de la qualité de la réponse au traitement, laquelle dépend de la sévérité de la maladie, de l’importance de l’inflammation et des doses de corticoïdes reçues. Cette prise en charge n’a de sens que dans une approche globale où l’équipe d’endocrinologie pédiatrique et celle gérant la maladie initiale collaborent en permanence pour adapter le traitement.
* Service d’endocrinologie et de diabétologie pédiatriques, hôpital Robert-Debré, Paris.
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