Depuis août 2024, les équipes de transplantation de l’hôpital Édouard Herriot aux Hospices civils de Lyon (HCL) ont réalisé les trois premières greffes simultanées d’un rein et d’îlots pancréatiques en France. L’annonce a été faite ce 10 janvier, soit après 5 mois de convalescence pour le premier patient traité, qui est en passe d’être durablement guéri de son diabète. Les deux autres ont été opérés en octobre et en décembre.
La France est pionnière dans la transplantation d’îlots de Langerhans, reconnue comme une thérapie de soins courants par la Haute Autorité de santé (HAS) depuis juillet 2020. Moins lourde que la greffe de pancréas, elle nécessite tout de même un traitement immunosuppresseur qui la restreint à trois catégories de candidats : les patients diabétiques de type 1 avec hypoglycémies sévères malgré une prise en charge optimale ; ceux ayant déjà bénéficié d’une greffe de rein (déjà sous traitement immunosuppresseur) et ceux en attente de greffe de rein.
Les îlots greffés moins de 48 à 72 heures heures après le rein
En temps normal, il s’écoule plusieurs mois entre la greffe de rein et celle d’îlots provenant d’un donneur différent. La greffe simultanée du rein et des îlots pancréatiques provenant d’un même donneur entraîne moins de complications que la double greffe rénale et pancréatique et est associée à une récupération plus rapide du patient.
Dans la pratique, la greffe simultanée consiste à effectuer la greffe d’un rein pendant la préparation des îlots de Langerhans à partir du pancréas du même donneur. Leur extraction nécessitant une phase de digestion du pancréas puis de purification, les îlots sont ensuite injectés moins de 48 heures après la transplantation rénale. Les patients pris en charge à Lyon se sont donc vus proposer à leur réveil de procéder sans plus attendre à la greffe d’îlots de Langerhans. L’injection des îlots est réalisée par voie intraportale dans le foie (par une ponction trans pariéto-hépatique). Une seconde injection (voire une troisième) doit avoir lieu quelques semaines ou mois après, dès qu’un nouveau donneur compatible sera identifié.
Le service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique de l’hôpital Édouard Herriot réalise des greffes d’îlots depuis 2023 avec l’aide du laboratoire rattaché au service de transplantation des hôpitaux universitaires de Genève, chargé de préparer les îlots. En moins de deux ans, une trentaine d’injections d’îlots ont été entreprises à l’hôpital Édouard Herriot, dont 18 en 2024.
La greffe d’îlots, efficace mais encore peu pratiquée
Pour parvenir à réaliser cette double greffe, « il fallait d’abord que les règles d’allocation des greffons pour cette double greffe soient clairement établies par l’Agence de la biomédecine (ABM) », explique la Dr Fanny Buron, du service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique de l’hôpital Édouard Herriot. Le service a pour ambition de réaliser de 6 à 8 greffes simultanées « rein-îlots » chaque année. Un projet de laboratoire d’isolement des îlots pancréatiques au sein même de l’hôpital lyonnais devrait permettre d’atteindre cet objectif.
Des greffes simultanées rein-îlots avaient déjà été faites dans le passé en Suisse, mais pas encore en France. « Les greffes îlots-rein ne sont pas prioritaires, alors que les greffes pancréas le sont », explique le Pr Lionel Badet, chef adjoint du service d'urologie et de chirurgie de la transplantation. Cette règle de priorité sera d’ailleurs rediscutée dans les prochains mois au sein de l’ABM. Quant à savoir si les greffes simultanées constituent l’avenir de la transplantation rein-îlots, le Pr Badet répond que « pour une partie de la population, il y aura probablement encore un bénéfice à attendre, durant plusieurs années, de la greffe de pancréas total par rapport à la greffe d’îlots, notamment pour les patients jeunes aptes à une greffe de pancréas total ». Ce sont essentiellement les patients fragiles qui bénéficieront de la double greffe rein /îlots.
Récemment, l’étude française Kaiak a démontré que la greffe d’îlots diminue de 56 % le risque de mortalité, par rapport à une greffe de rein seule. Selon l’ABM, 36 greffes ont été menées à bien en 2024, un chiffre qui fluctue depuis 2015 mais qui n’a jamais dépassé 37 par an. Le nombre de patients inscrits sur la liste d’attente a bondi en quelques années, pour atteindre 85 en 2024. Lors d’une interview récente accordée au Quotidien, le Pr François Pattou (chirurgien au CHU de Lille) estimait qu’on pourrait atteindre « une centaine de greffes d’ici quelques années ».
« L’étude Kaiak est une référence internationale sur la greffe combinée », explique le Pr Badet. Les équipes impliquées à la fois en greffes de pancréas et d’îlots en France (Trepid), notamment à Lyon, montent un premier programme de recherche clinique qui comparera de façon prospective la double greffe rein-pancréas à la double greffe rein-îlots.
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