Détresse des patients DT1 face au matériel : faut-il inclure les pharmaciens dans la boucle ?

Par
Publié le 14/10/2024
Article réservé aux abonnés

Les personnes atteintes de diabète sont souvent confrontées à des difficultés liées à la maladie chronique. Pour alléger leur charge mentale, le Pr Bruno Guerci, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, au CHRU de Nancy, lance une étude sur un soutien renforcé par les pharmaciens pour gérer le matériel d’insulinothérapie.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Le Pr Bruno Guerci, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, au CHRU de Nancy, coordonne une étude nationale dont l’objectif est de comparer l’effet sur la détresse liée au diabète d’une prestation renforcée comparée à la prise en charge standard proposée aux patients équipés de pompes à insuline ou de boucles fermées. « Aujourd'hui, les patients diabétiques de type 1 bénéficiant de ces équipements sont suivis par un médecin généraliste, un diabétologue et un prestataire de santé qui leur livre le matériel. Mais ces professionnels ont une vision parfois trop parcellaire de la maladie. Dans notre modèle de prestation renforcée, nous avons inclus le pharmacien », note le diabétologue.

La détresse émotionnelle des patients concernés par une maladie chronique est parfois peu exprimée aux proches comme aux équipes soignantes. Chez les personnes diabétiques, cette détresse est souvent la conséquence d’un déséquilibre entre la charge mentale qu'impose la maladie et les mécanismes d’adaptation (résilience, soutien externe…). « Le patient doit faire face à trois défis : la gestion du diabète (régime alimentaire spécifique, activité physique adaptée, injection d'insuline, surveillance glycémique ), celle des émotions et les relations interpersonnelles », souligne le Pr Bruno Guerci. Les conséquences sociales, familiales et professionnelles de la maladie peuvent être lourdes à porter.

Les outils technologiques – capteurs de glucose, boucles fermées, pompes à insuline - facilitent la gestion du diabète, mais ils ne font pas disparaître le fardeau lié à la maladie. L'étude Implique, menée par le Pr Yves Reznik de Caen auprès d'adolescents et d'adultes bénéficiant de boucles fermées, montre que ce dispositif allège le patient de certaines tâches liées à la surveillance de la maladie (telles que le calcul des doses d'insuline) sans effacer le fardeau du diabète et les problèmes interpersonnels.

Les patients décrivent également les difficultés quotidiennes liées à l'utilisation de ces technologies. « Quand on dispose d'outils de surveillance d'insuline gérés par l'intelligence artificielle, on doit s'en occuper : comprendre leur fonctionnement, savoir poser les capteurs, surveiller les alarmes. Les patients doivent porter les dispositifs médicaux sur eux en permanence : cela leur rappelle tout le temps qu'ils sont malades », ajoute le Pr Guerci. Toujours d'après l’étude Implique, 50 % des adultes gardent un taux élevé de difficultés liées au diabète, six mois après l’initiation de la boucle fermée. Ces patients décrivent notamment un épuisement moral en lien avec la gestion du matériel médical : réception de kits médicaux, gestion des consommables, du matériel périmé…

Ajouter un acteur dans la boucle

Le pharmacien, cet acteur de proximité, proche du domicile du patient, connaît les antécédents médicaux, les thérapeutiques instaurées ainsi que le contexte social et familial. « Les échanges entre le patient et le pharmacien sont différents et complémentaires de ceux réalisés par les autres professionnels de santé. Notre étude, randomisée, doit inclure au total 420 patients diabétiques de type 1 bénéficiant d'une pompe à insuline, de capteurs de glucose, voire de boucles fermées », indique le Pr Guerci.

La moitié des patients bénéficieront d'un suivi renforcé, via l'accompagnement de pharmaciens formés au diabète et aux technologies liés à cette maladie (l'autre moitié sera suivie de façon conventionnelle). Le critère de jugement s'intéressera à l'impact du suivi renforcé sur la réduction de la détresse et du fardeau liés au diabète. Les critères secondaires analyseront l'équilibre glycémique, la qualité de vie, le degré de satisfaction (du patient et du pharmacien) concernant ce modèle de parcours de soins, ainsi que l'adhésion au traitement.

Deux questions simples posées au patient (score DDS-2 [Diabetes Distress Scale-2], notées de 1 à 6, NDLR) permettent d'inclure ou non les patients dans l'étude : « Est-ce que je me sens dépassé par les exigences de la vie avec le diabète ?  » et « Ai-je l'impression que j'échoue souvent dans la prise en charge de mon diabète ?  ». « À l’issue de l'étude, les objectifs seront évalués à partir des résultats du questionnaire T1-DDS regroupant 28 questions et explorant différents versants de la détresse liée à la maladie. Actuellement, 230 patients ont déjà été inclus dans l’étude. Nous espérons pouvoir la clôturer au printemps prochain et communiquer les premiers résultats fin 2025 », conclut le Pr Guerci.


Source : lequotidiendumedecin.fr