arGLP1 : l’observance encore moins bonne dans l’obésité que dans le diabète

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Publié le 06/09/2024
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Les agonistes du récepteur au GLP1 ont démontré leurs bénéfices après deux au moins deux ans de traitement. Mais les études de vraie vie alertent sur une faible persistance dans l’indication diabète de type 2, et qui pourrait être encore moindre dans l’obésité.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Les agonistes du récepteur au GLP1 (arGP1) sont indiqués dans le diabète de type 2 (DT2) pour leurs effets sur l’HbA1c, le poids, et leurs bénéfices sur les complications CV. Ces indications ont été récemment élargies au traitement de l’obésité, même sans diabète.

Si une publication précédente avait constaté un taux arrêt de traitement par arGLP1 de 45,2 % chez les DT2 au bout d’un an, on sait peu de choses sur la fréquence de ces arrêts en général, et encore moins chez les sujets obèses. Une étude s’est penchée sur cette question, avec pour objectif d’estimer la prévalence de l’arrêt des arGLP1chez les nouveaux utilisateurs, DT2 ou obèses sans diabète, et les caractéristiques des patients associées à ces arrêts (1).

Les données ont été recueillies dans la base de données Komodo Healthcare de l’Université Pittsburgh de janvier 2021 à décembre 2023, concernant les prescriptions de dulaglutide, exénatide, liraglutide ou de sémaglutide (pas mais le tirzepatide). L’arrêt a été défini comme l’absence de dose d’agoniste du arGLP1 dans les 135 jours suivant l’évaluation aux dates index de 3, 6 et 12 mois.

L’étude a porté sur 195 915 personnes, de 53,8 [± 12,5] ans en moyenne, avec 58,9 % de femmes.

La prévalence globale de l’arrêt du traitement était de 26,2 %, 30,8 % et 36,5 % à 3, 6 et 12 mois, respectivement. Les patients souffrant uniquement d’obésité présentaient une prévalence plus élevée d’arrêt du traitement à 12 mois, par rapport à ceux souffrant uniquement de DT2 et à ceux souffrant des deux (50,3 %, contre 35,8 % et 34,2 %).

Les arrêts étaient significativement plus élevés à 12 mois chez les patients Noirs ou Hispaniques, de sexe masculin, inscrits à Medicare ou Medicaid, qui vivaient dans des zones aux besoins sociaux très élevés, souffraient uniquement d’obésité, d’insuffisance cardiaque ​​ou d’autres maladies CV à l’entrée et avaient des effets indésirables gastro-intestinaux. Les plus âgés avaient une probabilité plus faible d’arrêter le traitement que les plus jeunes.

Une question capitale

Ce sujet de la persistance sous traitement par arGLP1, que j’aborde régulièrement, est selon moi capitale, pour deux raisons principales.

La première est la réalité en « vraie vie » des bénéfices glycémiques et/ou pondéraux de ces molécules très puissantes, par rapport aux essais randomisés contrôlés. La plupart des études antérieures (comme avec l’insuline dans le DT2) montrent que les traitements injectables, même hebdomadaires, sont assez mal suivis dans la durée par les patients. La question est de savoir si ces arrêts trouvent des causes inhérentes à des effets favorables insuffisants, ou à des effets secondaires, au-delà même qu’il s’agisse d’injections. On voit ici que les sujets en obésité sont encore moins observants (confirmant une étude israélienne précédemment rapportée dans ces colonnes), peut-être, mais pas uniquement, du fait de la perte de poids et d’effets digestifs sévères.

L’arrêt du traitement pourrait avoir des implications en termes de politique de remboursement, en particulier si la perte de poids n’est pas maintenue après arrêt du traitement. Certes, cette étude est menée aux États-Unis, ce qui ajoute une dimension dépenses de santé et des facteurs comme l’ethnie, le niveau socio-économique, mais elle insiste aussi sur la coexistence de comorbidités.

L’autre raison majeure de nos interrogations est que pour tirer les bénéfices cardiovasculaires annoncés des arGLP1 dans le DT2, il est nécessaire que le traitement soit appliqué durablement (au moins deux à trois ans). Ces arrêts sont ici encore plus regrettables, en présence de comorbidités CV !

En somme, au-delà des résultats des essais randomisés contrôlés, on doit rester attentif à ces résultats en « vraie vie » et attendre de connaître les données concernant les futurs arGLP1 ou arGLP1 like, administrés par voie orale, tant au regard de leur efficacité (HbA1c, poids), de leurs possibles effets CV favorables, mais aussi de leur tolérance et de leur observance.

(1) Do D, Lee T, Peasah SK, Good CB, Inneh A, Patel U. GLP-1 Receptor agonist discontinuation among patients with obesity and/or type 2 diabetes. JAMA Netw Open. 2024;7(5):e2413172

Pr Serge Halimi, Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

Source : lequotidiendumedecin.fr