Traitement de l’ongle psoriasique

Quelle place pour les biothérapies ?

Publié le 18/03/2013
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DANS LE PSORIASIS modéré à sévère associé à des manifestations unguéales, les biomédicaments constituent l’arme absolue après double échec des traitements systémiques classiques préconisés par la Haute Autorité de santé (en dehors de l’acitrétine) (tableau).

La problématique est plus complexe dans les formes légères de psoriasis cutané associées à des altérations unguéales, ou au cours de l’atteinte isolée des ongles, en particulier dans sa forme polydactylique. L’impact de ces lésions peut être considérable chez certains patients, comme en témoigne l’altération très marquée de la qualité de vie. Plus de la moitié des patients rapportent des douleurs limitant leur activité. Les formes mono ou paucidigitales peuvent bénéficier d’un traitement local, reposant notamment sur les corticoïdes associés ou non au calcipotriol sous occlusion. Ce traitement sera d’autant plus efficace que la pénétration du principe actif sera bonne, ce qui souligne la nécessité de découper la tablette onycholytique ou de procéder à une avulsion à l’urée de l’hyperkératose sous-unguéale. L’utilisation de corticoïdes injectables selon la technique de De Berker, après anesthésie locale, est efficace, mais son acceptation n’est pas facilement acquise. Le laser photodynamique semble intéressant, mais on manque encore de recul. En pratique, face à un traitement long (les ongles des doigts se renouvellent en six mois, ceux des gros orteils en douze à dix-huit mois) et fastidieux, aux résultats décevants, les patients se découragent et sont démunis de toute possibilité thérapeutique. La PUVAthérapie, peu efficace, expose au risque de photo-onycholyse et de photohémorragie. Elle n’est donc pas envisageable. Seules les biothérapies pourraient apporter une réponse à certains patients, mais la législation ne le permet pas dans le psoriasis discret avec manifestations unguéales ou au cours de la présence isolée de celles-ci.

« Pourtant, le recours aux biothérapies paraît très intéressant dans ce contexte, en raison de la pathogénie même des lésions unguéales », souligne le Dr Robert Baran.

B. Fournié (1), depuis longtemps, et plus récemment D. Mc Gonagle (2) insistent sur le fait que l’ongle s’attache à la phalange distale par l’intermédiaire de plusieurs enthèses ce qui, chez le patient psoriasique, peut entraîner des modifications inflammatoires se manifestant de la tablette à l’os par l’intermédiaire du tissu graisseux.

Détecter un rhumatisme précoce.

De même, E. Soscia (3) a montré la fréquence de l’association d’une altération unguéale et d’une atteinte articulaire interphalangienne distale à l’IRM au cours du psoriasis cutanéo-unguéal.

La sonographie, technique peu coûteuse, permet de vérifier l’épaississement du tendon extenseur. La découverte d’images enthésiques anormales chez des sujets psoriasiques aux ongles apparemment sains ainsi qu’une scintigraphie osseuse périarticulaire anormale chez des patients sans atteinte unguéale suggèrent qu’il faut s’attacher davantage à démontrer la présence d’anomalies susceptibles de détecter un rhumatisme psoriasique précoce.

 C’est à ce stade subclinique, douloureux ou non, que l’on pourrait éviter le passage au psoriasis arthropathique avéré et à ses conséquences, en prescrivant à temps et en toute légalité, les biomédicaments », insiste le Dr Baran.

Bien sûr, ces traitements ne sont pas dénués de risque et ont un coût. Une telle approche nécessite, par conséquent, un travail structuré d’expertise préalable, afin que les patients puissent, enfin, bénéficier des stratégies thérapeutiques les plus appropriées.

D’après un entretien avec le Dr Robert Baran, Cannes.

(1) Fournié B et al. Proposed classification criteria of psoriatic arthritis. A preliminary study in 260 patients. Rev Rhum Engl Ed. 1999 ; 66 :446-56.

(2) Mc Gonagle D. Enthesitis: an autoinflammatory lesion linking nail and joint involvement in psoriatic disease. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2009 ; 23 Suppl 1:9-13.

(3) Soscia E et al. New Developments in Magnetic Resonance Imaging of the Nail Unit. J Rheumatol 2012 ; 39 (suppl 89) : 49-53.

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes