Préhabilitation, réhabilitation améliorée après chirurgie : ces concepts relativement nouveaux ne sont pas familiers de tous. La Dr Véronique François, chef de service de gériatrie à l’hôpital Lariboisière (AP-HP), est revenue sur leurs définitions : « La réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC) est l’ensemble des mesures pré, per et postopératoires tendant à réduire l’agression chirurgicale et ainsi améliorer les suites de toute chirurgie. La préhabilitation s’inclut dans la RAC et vise l’amélioration des capacités fonctionnelles en préopératoire pour diminuer le risque postopératoire » (1,2).
Que comprend de manière concrète une préhabilitation ? « Il n’existe pas de réel consensus pour définir son contenu mais on retrouve quatre piliers d’actions constants, quelles que soient les équipes de soins », explique-t-elle. À savoir l’information du patient associé à un soutien psychologique, l’optimisation des traitements et la stabilisation des comorbidités, la (re)nutrition, et enfin l’exercice physique. À cela peuvent s’ajouter le sevrage alcoolo-tabagique, la correction d’une anémie préopératoire et la préparation à la sortie avant même la chirurgie.
Les modalités d’application sont variées. « Sur le plan organisationnel, on voit de tout ! La préhabilitation peut se faire en hospitalisation de jour, en consultation, ou encore sur site web ou par diffusion de livret, complète la Dr François. La durée de la préhabilitation dépendra bien sûr du type de chirurgie prévue, mais un programme durant six à huit semaines, à une fréquence de trois fois par semaine pour la prescription d’exercice physique, semble être une bonne option pour garantir une bonne adhésion du patient ».
Une littérature discordante, des retours d'expériences positifs
« De nombreuses études, dont quelques essais randomisés, ont évalué les bénéfices de la préhabilitation. Malheureusement, les résultats sont discordants et nous laissent sur notre faim : l’intérêt de la préhabilitation n’est pas encore démontré concrètement, c’est décevant », modère le Pr Karem Slim, chirurgien digestif au CHU de Clermont-Ferrand et président du Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (GRACE). « C’est effectivement un vrai paradoxe : tout le monde est convaincu du rationnel… mais le niveau de preuve est faible ! », abonde le Pr Jacques Boddaert, gériatre à l’hôpital la Pitié-Sâlpétrière (AP-HP) [3].
Les Drs Charlotte Naline et Antoine Bizard, gériatres respectivement à l’hôpital Mignot de Versailles et à l’hôpital Foch de Suresnes, ont chacun fait part de retours positifs sur la préhabilitation en pratique clinique, en chirurgie orthopédique et urologique. Ils s’accordent pour dire qu’il faut bien sélectionner les patients lors de l’évaluation gériatrique pour choisir un programme de préhabilitation personnalisé.
Deux éléments pour évaluer la fragilité physique
« Il faut garder en tête que le risque postopératoire est globalement supérieur dans la population âgée et associé à des risques spécifiques de déclin physique (par sarcopénie aiguë), de confusion et de déclin cognitif, ce qui peut aboutir à une perte d’autonomie. Mais ce risque varie au sein même de la population âgée, qui peut être très hétérogène, rapporte le Dr Bizard. Certains de nos patients sont robustes et supporteront des chirurgies lourdes et d’autres sont si fragiles que même un geste peu invasif peut être à risque de dégradation ».
Les éléments usuels (comorbidités, âge, scores anesthésiques, etc.) ne permettent pas de stratifier le surrisque dans cette population. « La fragilité du patient, en particulier physique, est fondamentale pour déterminer s’il pourra supporter une chirurgie (4) », complète-t-il. La fragilité physique sera déterminée par deux éléments : la mesure de la sarcopénie et la capacité d’effort (VO2 max) évaluée lors d’un test d’effort, ou même un test de marche de six minutes. « L’adhésion du patient est primordiale. Les résultats apparaissent très encourageants, et ces données doivent être confirmées par des études à grande échelle », conclut la Dr Naline.
(1) F Carli et al, Anesthesiology, 2015, 123(6):1455-72.
(2) C. Scheede-Bergdahl et al, Anaesthesia, 2019
(3) M.J. Hughes et al, World J Surg, 2019
(4) TN. Robinson et al. J Am Coll Surg, 2016
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