Meryem Sassi : la chirurgie vasculaire par-delà les mers

Publié le 30/06/2023
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Interne en chirurgie vasculaire à la faculté de Fès, au Maroc, Meryem Sassi vient de passer deux semestres au CH de Troyes. Une expérience hexagonale qu’elle compte bien renouveler une fois ses études terminées.

LinkedIn. Voilà le sésame qui a permis à Meryem Sassi, jeune et dynamique interne au CHU de Fès, au nord du Maroc, de s’envoler pour compléter sa formation en France. « Quand j’ai commencé ma première année de spécialité [équivalent de la troisième année d’internat en France, NDLR], j’ai créé un compte et j’ai commencé à ajouter dans mon réseau des chirurgiens vasculaires français, puis à leur envoyer des CV, raconte-t-elle. J’ai rapidement été recontactée par le chef de service du CH de Troyes, qui n’avait pas assez d’internes pour le deuxième semestre. Et c’est comme ça que je suis arrivée à Troyes en juin 2022. »

Cette manière énergique de forcer le destin semble être une caractéristique de la jeune femme. Car si celle-ci, d’abord attirée par les études d’ingénieure, a opté pour la médecine pour respecter la volonté paternelle (« C’était le rêve de mon père que je fasse médecine », avoue-t-elle), elle a par la suite tout mis en œuvre pour parvenir à ses fins et accomplir ce qui était devenu un rêve bien à elle : devenir chirurgienne vasculaire. Dès son premier stage en chirurgie, sa décision était prise. « C’était un stage en chirurgie vasculaire. J’ai vu comment on opérait des artères de deux millimètres. Cela m’a beaucoup impressionnée, se souvient-elle. Il faut être très patient, très doux, ça a été vraiment un coup de cœur»

Vivre de café et de travail

Mais au Maroc comme ailleurs, on obtient rarement la spécialité de ses rêves d’un simple claquement de doigts. Pour arracher un classement suffisant au concours de l’internat, Meryem a dû cravacher « non-stop », vivant uniquement « de café et de travail ». « À la fin, je pesais 40 kg », confie-t-elle. Des efforts qui ont payé, et qui lui ont permis de poursuivre dans la voie qu’elle s’était choisie. Et c’est sur cette lancée qu’elle a atterri en France. Là aussi, il a fallu qu’elle se montre convaincante. « Il y a des chefs qui ne veulent pas vous laisser partir, mais j’ai réussi à montrer au mien que ce départ était intéressant pour moi », se félicite-t-elle. En France, où elle a travaillé sous le statut de Faisant fonction d’interne (FFI), Meryem a « surtout fait de la chirurgie vasculaire, bien sûr », mais ne s’est pas limitée à cet aspect du métier. « Durant les gardes on fait de tout, c’est très formateur », se réjouit-elle. Et elle peut déjà tirer quelques leçons de son expérience hexagonale.

Tout d’abord, elle a été impressionnée par certains aspects de la médecine française. « Vous êtes très gâtés au niveau du matériel, constate-t-elle. Et j’ai trouvé que certains domaines, comme la chirurgie endovasculaire, pour l’aorte par exemple, étaient beaucoup plus développés qu’au Maroc» Elle a également apprécié « l’implication très forte des équipes paramédicales ». Ce qui ne l’empêche pas de conserver son esprit critique. « On constate qu’en France il y a un véritable manque de personnel, et surtout de personnel infirmier, relève la chirurgienne. Il y a également un manque de chirurgiens : à Troyes, en dehors du chef de service, tous les autres chirurgiens étaient étrangers»

À cheval entre deux rives

Reste que ces quelques défauts ne sauraient retenir Meryem de voir son avenir à cheval entre les deux rives de la Méditerranée, du moins à court terme. Car si elle restera à Fès pendant les deux années qui lui restent à accomplir avant d’obtenir son diplôme, elle entend bien durant cette période faire « des allers-retours en France » pour des congrès, mais aussi pour obtenir un DU de phlébologie auquel elle a postulé et qui complétera utilement le DU d’endovasculaire qu’elle a obtenu durant son premier séjour.

Une fois son diplôme en poche, la jeune femme a déjà programmé son atterrissage dans l’Aube. « L’hôpital de Troyes veut me recruter, se réjouit-elle. Cela va me permettre de me faire la main, surtout en endovasculaire» Car Meryem est consciente d’avoir choisi une voie qui fait la part belle à la technologie. « On travaille en salle hybride, il y a de nouveaux ballons, de nouveaux stents qui sortent en permanence », s’émerveille-t-elle. Un aspect qui constitue à ses yeux l’un des attraits de la spécialité, mais qui nécessite de se tenir perpétuellement au courant pour ne pas décrocher.

À plus long terme, cependant, Meryem n’imagine pas que la France sera sa terre d’adoption définitive. « Je me vois plutôt ouvrir un cabinet de chirurgie endovasculaire au Maroc, c’est un domaine qu’il faut développer », prévoit-elle. Et pourquoi ne pas travailler dans le secteur public marocain ? « Il y a un défaut de matériel, répond-elle. Au Maroc, on peut apporter tout l’équipement nécessaire dans le privé, mais au niveau étatique, on n’a que le matériel de base, et pas davantage» Ce n’est pas parce qu’on rêve à une carrière faisant fi des frontières qu’on n’a pas la tête sur les épaules.

Adrien Renaud

Source : Le Quotidien du médecin