Prothèses totales de hanche sur fracture de l'acétabulum, infections périprothétiques de hanche et de genou, lésions ostéochondrales du condyle interne du sujet jeune, les sessions ont été riches en échanges lors du congrès en présentiel de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) après deux ans de Covid. La chirurgie orthopédique, que ce soit pour traiter des lésions traumatiques ou des affections dégénératives, suscite des débats d’opinion sur la conduite pratique optimale à adopter au quotidien.
Concernant les prothèses totales de hanche sur fracture de l’acétabulum abordées lors d'un symposium, le choix de la stratégie thérapeutique repose sur le compromis acceptable pour la fonction du membre inférieur. Si la prothèse est une solution fiable évidente, il faut tenir compte du fait que les fractures du cotyle altèrent l’architecture de la surface principale de l’articulation de hanche et, à ce titre, conduisent tôt ou tard à une coxarthrose de sévérité variable. Quatre grands axes de séquence thérapeutique se dégagent : prothèse après ostéosynthèse initiale ; prothèse à distance après traitement orthopédique prolongé ; prothèse après échec de l’ostéosynthèse ; ou encore prothèse d’emblée.
Le terrain de survenue de la fracture prête déjà à discussion : la fracture n’a pas la même configuration chez un jeune accidenté de la route que chez une personne âgée ostéoporotique après une chute. Le support de réception d’une éventuelle prothèse n’a pas la même qualité dans ces deux populations. Se pose également la question de la chronologie d’implantation d’une telle prothèse : faut-il précipiter la décision prothétique pour réduire la durée d’invalidité fonctionnelle ? Ou au contraire la différer au maximum afin que les dégâts osseux retrouvent une certaine consistance ?
Dans le même ordre d’idées, faut-il privilégier la reconstruction initiale par ostéosynthèse afin de disposer d’une architecture squelettique favorable à la mise en place de la prothèse ? Ou au contraire pousser l’usage du traitement orthopédique par traction au lit, qui, malgré un risque de complications de décubitus et une durée d’incapacité coûteuse, conserve une hanche vierge de matériau métallique ?
Les scénarios d’action chirurgicale sont donc multiples et la prise en charge idéale impose la prise en considération de nombreux paramètres. Afin de mieux cerner l’avantage des différentes séquences chirurgicales possibles, plusieurs séries d’opérés ont été analysées en fonction de l’option choisie et du résultat final obtenu.
Une première série concerne la situation où la reconstruction par réduction à ciel ouvert suivie de fixation a été effectuée d’emblée après la fracture. Dans ce groupe, le niveau de perfection de la reconstruction est variable en fonction du degré d’expérience des opérateurs. Mais ce traitement initial peut parfois obtenir une longévité articulaire prolongée. Le calendrier de l'arthroplastie sera ensuite influencé par la durée et le niveau de la récupération fonctionnelle obtenue.
Une deuxième série s’est intéressée à la pose immédiate d'une prothèse. Cette précipitation visant à réduire les durées d’incapacité est entachée de moins bons résultats prothétiques et est parfois source de complications.
Quel que puisse être le scénario décisionnel finalement appliqué, la planification prothétique doit demeurer particulièrement rigoureuse afin de surmonter d’éventuels paramètres défavorables susceptibles de péjorer le résultat final, tels que le sexe féminin, les comorbidités, de multiples abords cicatriciels ou encore la distribution anarchique du matériel d’ostéosynthèse.
L'écueil des infections périprothétiques
Quant aux infections périprothétiques de hanche et de genou débattues en table ronde, c’est le scénario évolutif le plus cauchemardesque, redouté des opérateurs. Si la chirurgie fonctionnelle est très majoritairement couronnée de succès, l’occurrence infectieuse n’est pas infinitésimale : le risque tourne aux alentours de 1 % pour environ 120 000 prothèses de hanche et 100 000 pour le genou implantées par an. L'infection périprothétique se traduit par des durées d’hospitalisation et d’incapacités prolongées avec de possibles réclamations d’indemnisation de préjudices de la part des patients.
Cette forme d’échec, d’une chirurgie en général à succès, impose à la communauté chirurgicale poussée par les associations de patients de faire émerger des solutions thérapeutiques. La prise en charge ne peut plus demeurer la prérogative exclusive du chirurgien orthopédiste, qui doit collaborer en réunion de concertation pluridisciplinaire avec un infectiologue et un microbiologiste. La France, pionnière en ce domaine, a fini, il y a 10 ans, par quadriller son territoire au moyen d’un réseau d’environ une douzaine de centres de référence. De tels centres baptisés Crioac (pour centres de référence des infections ostéoarticulaires complexes), par leurs revues et analyses périodiques, parviennent à réduire le fardeau fonctionnel, voire à sauvegarder le pronostic vital.
La piste des phages en cas d'antibiorésistance
Face à une prothèse infectée, plusieurs situations cliniques peuvent se présenter. Si l’infection survient rapidement en postchirurgical, après concertation, peut être tentée une procédure qualifiée par l’acronyme anglophone de Dair (débridement avec conservation de l’implant). Une infection plus tardive impose la suppression de la prothèse initiale, et éventuellement de son ciment, suivie d’une nouvelle implantation. La discussion porte sur la réalisation de cette séquence dans le même temps ou en deux temps séparés. Dans ce dernier cas de figure, il importe de mettre en place des « espaceurs » maintenant une chambre articulaire susceptible d’accueillir ultérieurement la nouvelle prothèse de reprise. Toute cette logistique impose des prélèvements microbiologiques pour ajuster la couverture antibiotique. Dans les situations d’antibiorésistance, à terme inévitablement plus nombreuses, une voie prometteuse commence à être expérimentée : celle des phages antimicrobiens spécifiques.
Lésions ostéochondrales, une surveillance prolongée
Les lésions ostéochondrales du condyle interne du genou, lorsqu’elles surviennent chez le jeune, sont l’apanage des sportifs. Le clinicien ne doit pas se laisser abuser par l’apparente bonne tolérance, souvent résultant d’un haut degré de motivation, a-t-il été rappelé en table ronde. L’imagerie est indispensable avec radiographie conventionnelle et IRM pour distinguer les différents stades évolutifs selon l'intégrité ou non du revêtement cartilagineux de la lacune osseuse. Cette dernière elle-même peut se séquestrer et finir par se mobiliser, éventuellement dans l’espace articulaire proprement dit.
Ces deux paramètres (revêtement cartilagineux et stabilité de la lésion) vont déterminer les directions de la prise en charge. Aux stades initiaux, le traitement fait appel au repos, à une éventuelle immobilisation, à la mise en décharge et à la suspension sportive afin d'éviter l'évolution vers la séquestration. Aux stades plus tardifs, il convient d’envisager des fixations, soit par voie arthroscopique, soit, parfois, après ouverture articulaire du fragment en cours de mobilisation. Dans tous les cas, une surveillance périodique prolongée est indispensable car de telles lésions peuvent conduire à distance à des arthroses de genou parfois sévères.
Chez le sujet plus âgé, l’ostéonécrose du condyle interne rappelle ce parcours évolutif, qui est assimilable à une « fracture de fatigue » de l’os sous-chondral, soit en raison de contraintes liées à l'excès pondéral soit en raison d’un surmenage d’activité sur un squelette ostéopénique. L’arsenal peut faire appel à une ostéotomie de modification des zones de contraintes, à l’usage éventuel de cellules souches, ou en désespoir de cause à l’usage de prothèses unicompartimentales plutôt que totales.
Membre du CNP/Sofcot
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