Les analogues du GLP1, antidiabétiques qui ont montré leur capacité à favoriser la perte pondérale ainsi que des effets protecteurs cardiovasculaires, sont de plus en plus utilisés. Si bien qu’à l’été dernier, selon l’Agence européenne des médicaments (EMA), l’exposition à deux médicaments de cette classe — le liraglutide et le sémaglutide — concernait 20 millions de patients-années.
Problème : en juillet 2023, l’agence des médicaments islandaise avait fait état de potentiels effets de cette classe pharmaceutique sur la santé psychiatrique. À la suite de cette alerte, le régulateur européen avait retrouvé environ 150 cas potentiels d’automutilation ou d’idées suicidaires chez des patients sous analogues du GLP1.
Des inquiétudes légitimes
Ce potentiel signal de sécurité avait beaucoup fait parler de lui. Et pour cause : d’autres médicaments amaigrissants avaient précédemment été retirés du marché pour ce type d’effets indésirables. De plus, des études conduites sur modèle animal avaient suggéré une association entre activation des récepteurs du GLP1 et effets psychiatriques. Par ailleurs, si les essais cliniques centrés sur les analogues du GLP1 apparaissaient rassurants en termes de sécurité de ces produits, ces investigations ont globalement exclu les personnes présentant des antécédents psychiatriques — alors même que certains psychotropes sont à l’origine d’une prise pondérale susceptible d’indiquer des analogues du GLP1.
Dans ce contexte, les régulateurs européen et américain s’étaient penchés sur ce potentiel signal. Certes, leurs conclusions semblaient rassurantes. Début 2024, la Food and Drug Administration (FDA) avait indiqué « ne pas avoir trouvé de preuve selon laquelle l’utilisation (des analogues du GLP1) cause des idées ou actes suicidaires ». Dans le même esprit, au printemps dernier, l’EMA avait jugé que « les preuves disponibles ne (soutenaient) pas d’association causale entre les analogues du GLP1 — dulaglutide, exenatide, liraglutide, lixisenatide et sémaglutide — et des idées et actes suicidaires et d’automutilation ». Néanmoins, les deux instances avaient suggéré qu’elles continueraient à surveiller les éventuels effets psychiatriques des analogues du GLP1. Et la FDA continue de recommander pendant le traitement une surveillance rapprochée des changements d’humeur, à la recherche d’une dépression ou d’idées suicidaires.
Étude nationale de cas-témoins française
Ainsi, l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) a voulu repréciser en France ce lien de causalité potentiel entre idéations suicidaires et automutilations, et consommation d’analogues du GLP1.
Pour ce faire, l’instance s’est appuyée sur le Système national des données de santé (SNDS) pour réaliser une étude cas-témoins, publiée dans eClinicalMedicine (1).
Les données de 1 102 patients de plus de 18 ans, décédés ou hospitalisés pour suicide et exposés à au moins un analogue du GLP1 dans les 180 jours précédents, entre 2013 et 2021, ont été extraites. En pratique, ces patients avaient en moyenne 57,4 ans et étaient majoritairement des femmes (56 %). Un peu plus de la moitié étaient en situation d’obésité, et près de 68 % avaient des antécédents psychiatriques récents.
Les données des patients exposés pendant une période à risque de 30 jours avant le suicide ont été comparées à celles des participants exposés antérieurement. De plus, 3 615 personnes témoins négatifs non exposées aux inhibiteurs du GLP1 mais sous inhibiteurs de dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4) ont été analysées.
Les résultats sont rassurants. Selon la publication, « l’utilisation d’analogues du GLP1 n’était pas associée à un risque accru de suicide ou de tentative de suicide (OR = 0,62), avec des résultats cohérents pour les inhibiteurs de DPP-4 (0,75) ». Et ce, y compris chez les participants vivant avec une obésité ou ayant des antécédents psychiatriques récents.
Quelle sécurité à long terme ?
Reste toutefois à s’assurer de la sécurité du médicament à long terme, et dans des publics ayant des comorbidités psychiatriques spécifiques. Les auteurs citent à ce titre les patients atteints de schizophrénie.
(1) Julien Bezina, Anne Bénard-Laribière, Émilie Hucteau, et al. Suicide and suicide attempt in users of GLP1 receptor agonists: a nationwide case-time-control study. eClinicalMedicine. February 2025(80103029)
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