Quelle était l’hypothèse de départ ?
Pr Emmanuel Messas : Nous souhaitions développer un traitement non invasif du rétrécissement aortique calcifié (RAC) symptomatique serré dont l’espérance de vie en l’absence de traitement est réduite et la qualité de vie profondément altérée. Actuellement, nous avons deux alternatives pour traiter ces RA, la chirurgie valvulaire ou l'implantation d'une valve aortique par voie percutanée (TAVI). Mais du fait de leurs comorbidités ou de leur état clinique, 16 % des patients ne sont éligibles ni à la chirurgie, ni au TAVI. Nous avons donc eu l’autorisation pour cette thérapie non invasive par ultrasons chez des patients récusés par la Heart Team pour la chirurgie et le TAVI.
Comment fonctionne le Valvosoft ?
Le dispositif médical Valvosoft a été développé par la start-up française Cardiawave. Il s’agit d’appliquer à distance des ultrasons très focalisés de très haute intensité pour micro-fragmenter le calcium des valves aortiques afin de diminuer leur rigidité et d’augmenter la surface d’ouverture valvulaire. Le dispositif est couplé à une échographie qui visualise les ultrasons thérapeutiques et la valve. Nous avons développé cette technologie depuis 3 à 4 ans sur des modèles animaux pour en démontrer la faisabilité et l’innocuité.
Cette intervention est innovante à plus d’un titre. Il ne s’agit pas de remplacer la valve mais de « réparer » la dysfonction valvulaire liée au rétrécissement afin de passer d’un RA serré à un RA non serré, et de le faire de façon non invasive. Elle est réalisée par séances de 5 à 10 minutes d’intervalle pendant une heure, avec ou sans anesthésie générale. Il n’y a pas d’augmentation de la température locale, et les ultrasons thérapeutiques ont un effet on/off uniquement sur la cible, aucun des tissus traversés n’étant impacté.
Comment est née Cardiawave ?
Avec trois physiciens - Mathieu Pernot, Mickael Tanter et Mathias Fink - de l’Institut Langevin et de l'Unité physique pour la médecine (CNRS/Inserm/ESPCI ParisTech/PSL) et notre CEO Benjamin Bertrand, nous avons fondé cette start-up fin 2014. CARDIAWAVE exploite des brevets co-développés avec l’Université Paris-Desacartes, le CNRS ou l’INSERM, et de nombreux partenariats avec des institutions publiques.
Notre objectif est de proposer à une population de plus en plus âgée des techniques de moins en moins invasives. Et le RAC symptomatique serré concerne 1,3 million de personnes en Europe !
Quels sont les premiers résultats avec un recul de trois mois ?
L’autorisation pour réaliser cette première étude prospective, pour le traitement de 10 patients dans une indication compassionnelle, a été donnée à deux centres : l’hôpital européen Gerorges Pompidou (HEGP) où je travaille et l’Amphia Hospital à Breda (Pays Bas). Les patients avaient en moyenne 85 ans (dont 3 âgés de plus de 90 ans), 80 % étaient en insuffisance cardiaque très symptomatique. Les RA étaient très calcifiés et très serrés, avec une surface aortique de 0,61 cm² en moyenne, pour certains même à 0,3.
L’étude a débuté en mars 2019. L’objectif principal s’agissant d’une première, était de vérifier la faisabilité et l’innocuité. Cette technique a prouvé sa faisabilité, les ultrasons thérapeutiques traversant la cage thoracique pour atteindre leur cible.
Concernant l’innocuité, on n’a relevé aucune complication, ni décès lié à la procédure à trois mois. Au cours du 3e mois, on a constaté un décès lié non pas à la procédure mais à une insuffisance cardiaque terminale. La crainte d’emboles de calcium potentiellement responsables d’AVC a été levée par une évaluation neurologique réalisée en post-procédure, à un mois et trois mois.
La classe NYHA a été améliorée chez 7 patients sur 10. L’échocardiographie, pratiquée à un mois par un Echolab indépendant des deux équipes réalisant l’étude, montre que 8 patients ont augmenté la surface valvulaire (de 6 à 68 %) et 6 ont vu leur gradient de pression diminuer (de -11 % à 47 %). Ces patients seront suivis deux ans sur les paramètres, cliniques, hémodynamiques et la survenue de complications.
Comment va se développer cette technique ?
Ces résultats sont très encourageants, et nous devons maintenant améliorer l’efficacité, en augmentant l’énergie délivrée, le nombre et la durée de l’intervention, éventuellement en réalisant plusieurs sessions, en perfectionnant encore l’imagerie et enfin en vérifiant la pérennité de cette technique dans le temps. Il faudra aussi repérer les patients qui seront les plus à même d’en bénéficier. Très probablement, les résultats seraient meilleurs en intervenant un peu plus tôt, sur des patients un peu moins sévères. Actuellement, l’autorisation ne concerne que les patients inopérables et nous verrons si les indications peuvent être étendues. D’autres études avec un suivi plus long et une population plus large seront nécessaires afin de confirmer la place de cette nouvelle approche non-invasive du traitement du RAC.
D’autres essais sont en cours avec la même technique d’applications thérapeutiques d’ultrasons pour le système cardiovasculaire. De plus, des études précliniques sont actuellement mises en place sur la recanalisation veineuse pour les phlébites symptomatiques.
Emmanuel Messas, Prospective, Single-Arm Clinical Investigation for the Non-Invasive Transthoracic Treatment of Subjects With Severe Symptomatic Aortic Valve Stenosis Using Valvosoft Pulsed Cavitational Ultrasound Therapy (PCUT) - First-in-Man, Early Science Session, AHA, 16 Novembre 2019
Valvosoft First-In-Man Study in Severe Symptomatic Aortic Stenosis, https://trialbulletin.com/lib/entry/ct-03779620
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