L’insuffisance cardiaque est souvent liée à une perte de cardiomyocytes. Or la capacité de régénération du tissu myocardique adulte est quasi-nulle. Ainsi, il y a plus de vingt ans, l’idée a émergé de compenser cette perte par un apport de nouvelles cellules, c’est-à-dire par thérapie cellulaire.
De la thérapie cellulaire…
Cette approche a alors été évaluée dans plusieurs essais cliniques, dont certains, marquants, ont été réalisés au sein du département de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital Georges Pompidou. À commencer par la toute première transplantation de myoblastes (cellules souches musculaires) autologues — pratiquée en 2000 par voie épicardique lors d’un pontage coronaire chez un patient présentant une insuffisance cardiaque ischémique. Quatorze ans plus tard, dans le cadre de l’essai Escort, des cellules cette fois cardiaques, dérivées de cellules souches embryonnaires humaines et intégrées à un patch de fibrine, ont été implantées chirurgicalement chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque ischémique. Ces premières mondiales ont montré la sécurité de ces procédures, aucune complication grave attribuable aux cellules transplantées n’ayant été observée.
Depuis, d’autres études ont été entreprises avec divers types de cellules souches cardiaques. Et à l’heure actuelle, une dizaine d’essais sont en cours dans l’insuffisance cardiaque, en Allemagne, aux États-Unis, au Japon ou encore en Chine. Dans ce cadre sont utilisés des cardiomyocytes dérivés de cellules embryonnaires ou de cellules souches pluripotentes induites (iPS), des cellules mésenchymateuses du cordon ombilical, etc.
Cependant, ces cellules sont immunogènes, si bien qu’afin de pérenniser leur maintien après transplantation, des immunosuppresseurs sont requis. Or, ce traitement est associé à des effets indésirables importants et ne suffit pas à prévenir la disparition progressive des cellules greffées.
… à l’administration du sécrétome
Toutefois, de façon étonnante, la disparition des cellules greffées ne s’accompagne pas toujours d’une perte totale d’activité. Et la discordance entre la perte du greffon et le maintien d’un bénéfice fonctionnel a conduit à envisager un mécanisme d’action, fondé non pas sur le remplacement des cardiomyocytes du tissu receveur par les cellules greffées (comme on le pensait initialement) mais sur la capacité de ces cellules à sécréter de multiples facteurs — dont l’ensemble est appelé sécrétome — capables d’activer différentes voies endogènes contribuant à la réparation du cœur, et donc à l’amélioration de sa fonction. Cette hypothèse est aujourd’hui largement validée par de nombreuses études, qui ont montré une relative équivalence entre l’effet des cellules elles-mêmes et celui de leurs produits de sécrétion.
D’où l’idée, pour éviter les traitements immunosuppresseurs, d’administrer non pas des cellules entières mais leur sécrétome, recueilli ex vivo, en culture. À l’instar de la production d’un médicament biologique tel qu’un anticorps monoclonal ou une protéine recombinante, cette thérapie cellulaire sans cellules pourrait à terme faire l’objet d’une industrialisation.
Cette démarche a d’abord été testée dans le Covid-19 et d’autres pathologies respiratoires, avec actuellement une extension des indications à des pathologies très diverses (fibrose hépatique, maladies rénales, ostéo-articulaires, etc.), qui font l’objet de multiples essais dans le monde.
Un premier patient traité à Paris
En France, un essai de phase I de première administration à l’être humain du sécrétome de cellules cardiaques progénitrices (Secret-HF) a été lancé à l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). Le schéma de traitement étudié comporte trois perfusions, séparées de trois semaines. Les patients sélectionnés manifestent une insuffisance cardiaque non ischémique sévère, avec pour seule perspective thérapeutique une greffe cardiaque.
Un premier patient a terminé le traitement expérimental il y a environ neuf mois. Un deuxième participant vient d’être traité et deux autres devraient l’être d’ici l’été.
Pour le moment, aucun effet indésirable particulier n’a été enregistré. Les deux premiers patients ont bien toléré les trois perfusions, et l’état de santé du premier lors du bilan à six mois apparaît satisfaisant. Aucune allo-immunisation n’a été documentée.
Reste à attendre la fin de l’essai afin de conclure à la sécurité de cette thérapie expérimentale. En cas de résultats positifs, il faudra vérifier l’efficacité du traitement par de nouveaux essais cliniques (cette fois avec un groupe contrôle) et comprendre son mode d’action, qui continue d’interroger. Le sécrétome agit-il directement sur le tissu cardiaque, ou plutôt en reprogrammant le système immunitaire endogène dans une direction anti-inflammatoire et réparatrice ?
À terme, d’autres formulations pourraient aussi s’avérer prometteuses ; par exemple, le sécrétome pourrait être intégré à un patch permettant sa libération prolongée chez les malades nécessitant une opération cardiaque.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP)
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