Le traitement de l’insuffisance cardiaque (IC) repose aujourd’hui sur plusieurs médicaments diurétiques agissant tout au long du néphron. À commencer par le furosémide, actif sur l’anse de Henle. Les iSGLT2, actifs sur le tubule proximal du rein se sont aussi imposés, et peuvent, comme le furosémide, être utilisé dans toutes les IC, quelle que soit la fraction d’éjection.
Cependant, une troisième classe de diurétiques fait débat : les récepteurs minéralocorticoïdes, actifs sur le tubule distal du rein. En effet, dans l’IC, les recommandations européennes réservent encore ces médicaments aux formes de la maladie associées à une fraction d’éjection réduite (de moins de 40 %), voire modérément réduite (de 40 à 50 %), avec alors un niveau de preuve de classe 2B. « Dans les IC à fraction d’éjection préservée (de plus de 50 %), le recours à cette classe thérapeutique reste officiellement non préconisé », rappelle le Pr Michel Galinier, chef du service de Cardiologie du CHU de Toulouse.
Ce n’est toutefois pas le cas Outre-Atlantique : les guidelines américaines, elles, incitent, à recourir aux antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes, y compris dans les IC à fraction d’éjection préservée, « avec une recommandation de classe 2B », précise le Pr Galinier.
Essai Topcat et effet controversé de la spironolactone
Et les États-Unis pourraient s’avérer plus à jour que l’Europe : les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes semblent bel et bien avoir toute leur place dans le traitement des IC, quelle que soit la fraction d’éjection. « Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes deviennent des traitements ubiquitaires de l’IC », entrevoit le Pr Galinier.
En fait, à l’origine du hiatus entre recommandations européennes et recommandations françaises, se trouve initialement l’essai Topcat, publié dans le New England Journal of Medicine il y a déjà une dizaine d’années. Cette étude, qui évaluait l’intérêt de la spironolactone dans les insuffisances cardiaques à fraction d’éjection préservée, avait donné des résultats globalement neutres sur l’ensemble de la population recrutée. Néanmoins, ces conclusions apparaissaient faussées. « Les participants, recrutés dans les pays de l’Est de l’Europe n’avaient en fait pas été tous correctement diagnostiqués, du fait d’une indisponibilité du dosage des peptides natriurétiques qui persistait à l’époque dans la région », se souvient le Pr Galinier. Mai,s dans le sous-groupe de patients recrutés et diagnostiqués en Amérique du Nord, qui étaient plus sévères, « la spironolactone faisait réellement beaucoup mieux. » D’où la recommandation américaine de classe 2B.
Essai Finearts-HF positif avec la finérénone
Et, récemment, une deuxième étude est allée dans le sens des résultats américains de Topcat : l’essai Finearts-HF, lui aussi publié dans le NEJM, cette fois fin 2024. Car dans ce travail randomisé, réalisé en double aveugle contre placebo auprès de 6000 patients atteints d’IC à fraction d’éjection modérément réduite ou préservée, l’administration d’un autre antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes, la finérénone, s’est bien soldée par une diminution significative des décès de cause cardiovasculaire et des évènements liés à toute aggravation de l’IC – qui constituaient le critère de jugement principal, composite, de l’investigation. Le tout, non seulement chez les patients présentant une fraction d’éjection modérément réduite, mais aussi chez ceux ayant une fraction d’éjection réellement préservée.
Seul bémol : Finearts-HF ne met en évidence aucun effet sur la mortalité seule. « Cela s’explique par le fait que la mortalité est moindre en cas de fraction d’éjection préservée, par rapport à l’IC à fraction d’éjection réduite, et que la mortalité y est essentiellement extracardiaque : pour observer un effet sur la mortalité, il aurait fallu inclure dans Finearts-HF des dizaines de milliers de patients », analyse le Pr Galinier.
Prescrire de la spironolactone avec les précautions habituelles
De plus, cet essai a inclus 15 % de patients par ailleurs traités par iSGLT2. Si les résultats demeurent positifs avec la finérénone dans ce sous-groupe, reste toutefois à confirmer cette association, potentiellement synergique, entre les deux classes de médicaments. Ce à quoi s’attelle une nouvelle étude, en cours : l’essai Balance-HF, qui évalue l’association de la balcinrénone et de la dapagliflozine contre la dapagliflozine seule.
Quoi qu’il en soit, « en attendant, tous les patients atteints d’insuffisance cardiaque -quelle que soit leur fraction d’éjection- pourraient, sauf contre-indication, d’ores et déjà se voir prescrire des antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes », considère le Pr Galinier. Il s’agit en France de la spironolactone ou de l’éplérénone, qui sont disponibles, contrairement à la finérénone ; leur rapport bénéfice-risque semble proche de celui de la finérénone. « La spironolactone pourrait juste être associée à un peu plus d’hyperkaliémies que la finérénone, déjà à l’origine de ce type d’effets indésirables », juge le Pr Galinier. Ainsi, le cardiologue propose déjà le médicament à ses patients en respectant les précautions d’emploi classiques des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes : mesure de la kaliémie (à surveiller à une semaine, un mois, puis tous les trois mois après l’introduction du médicament), et contrôle du débit de filtration glomérulaire.
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