Pr Éric Van Belle : « Le coroscanner étend son empire »

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Publié le 23/05/2025
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Dans la prise en charge de la maladie coronarienne chronique, les nouvelles recommandations européennes font la part belle à des techniques de diagnostic ou de traitement relativement récentes. Reste à savoir dans quelle mesure ces préconisations sont réellement applicables en France. Telle est l’interrogation soulevée par le Pr Éric Van Belle, cardiologue au CHU de Lille et président du groupe de travail de cardiologie interventionnelle de la Société française de cardiologie (Gaci) – qui a contribué à la rédaction des nouvelles guidelines.

Pr Éric Van Belle, cardiologue au CHU de Lille et président du Gaci

Pr Éric Van Belle, cardiologue au CHU de Lille et président du Gaci
Crédit photo : DR

Voilà quatre ans environ que la Société européenne de cardiologie (ESC) n’avait pas mis à jour ses recommandations de prise en charge de la maladie coronarienne chronique. C’est chose faite depuis quelques mois. Résultat : la réactualisation des guidelines fait la part belle à des technologies qui ont montré leur intérêt par un haut niveau de preuve, mais qui s’avèrent insuffisamment accessibles en France.

Avancée du coroscanner, recul l’épreuve d’effort conventionnelle

À commencer par le coroscanner. « Le coroscanner étend vraiment son empire puisqu’il est désormais mis en avant comme l’outil de diagnostic principal de la maladie coronarienne », résume le Pr Éric Van Belle, cardiologue au CHU de Lille et président du groupe de travail de cardiologie interventionnelle de la Société française de cardiologie.

Cette progression du coroscanner se fait au détriment de l’épreuve d’effort conventionnelle, qui ne fait désormais plus l’objet que d’une recommandation de niveau 3. « L’épreuve d’effort conventionnelle est désormais supprimée quasiment totalement de recommandations », rapporte le Pr Van Belle : l’examen ne semble avoir de place qu’en cas d’indisponibilité du coroscanner.

Problème : cette situation pourrait rester trop fréquente dans l’Hexagone. « Bien que de plus en plus de professionnels soient formés, que ce soit des radiologues ou des cardiologues, l’accessibilité du coroscanner reste vraiment un sujet en France : le nombre de machines reste limité, et l’accès dépend vraiment des régions, de l’organisation locale », déplore le cardiologue.

La place de la FFR confirmée

Par ailleurs, dans le diagnostic, cette fois interventionnel, de la maladie coronarienne, un autre type d’examen s’impose : la mesure de la réserve coronaire (FFR, pour fractional flow reserve). « Et plus généralement la mesure de la pression endocoronaire », ajoute le Pr Van Belle. Alors que ce genre de techniques était déjà préconisé avec un niveau de preuves élevé dans les guidelines précédentes, la mise à jour de l’ESC incite à réaliser ce genre d’examen avec une recommandation de niveau 1. « Du fait de nouvelles données, désormais disponibles pour chaque indication, la mesure de pression endocoronaire apparaît comme un examen qui doit absolument être réalisé », insiste le cardiologue.

Mais, là encore, un problème d’accessibilité se pose, la FFR ayant été déremboursée en France. « Tandis que la France était déjà le pays d’Europe qui utilise le moins la FFR, on se retrouve dans une situation encore plus ubuesque, voire paradoxale, avec un niveau de recommandation très élevé, mais pas de prise en charge par la l’Assurance-maladie », déplore le cardiologue.

Imagerie endocoronaire recommandée dans le traitement interventionnel

Au-delà du diagnostic, dans le traitement interventionnel, le nouveau référentiel fait la part belle à l’imagerie endocoronaire (IVUS, pour intravascular ultrasound, ou OCT pour optical coherence tomography), déjà pratiquée dans certains centres mais qui fait pour la première fois son entrée dans les recommandations. Et ce, directement avec une préconisation de niveau 1. « Il se dégage qu’il faut désormais vraiment faire une imagerie endocoronaire pour les angioplasties les plus complexes : angioplastie du tronc, des lésions de bifurcation, des lésions longues (de plus de 2 cm), etc. », énumère le Pr Van Belle.

De même que les examens précédents, l’imagerie endocoronaire n’est pas remboursée en France. Une demande aurait toutefois été déposée en ce sens, et serait en cours d’examen. « Si le remboursement est refusé, on se retrouvera dans la même situation problématique qu’avec la FFR », s’inquiète le cardiologue.

Au total, au regard des difficultés d’accès et de remboursement qui s’accumulent en France, reste à savoir dans quelle mesure ces recommandations pourront réellement être appliquées. À noter toutefois deux changements proposés par l’actualisation des guidelines, sans doute moins problématiques en la matière. D’abord, la double antiagrégation plaquettaire, jusqu’à présent indiquée pendant un an après revascularisation, n’est désormais préconisée que pour trois à six mois. Puis, dans l’indication historique de pontage que constituait jusqu’à présent la revascularisation du tronc commun, l’angioplastie se positionne finalement comme une bonne alternative en cas de lésion isolée.

Irène Lacamp

Source : lequotidiendumedecin.fr