Selon le système national des données de santé (SNDS), seulement 59 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque consultent un cardiologue une fois par an comme recommandé. Partant de ce constat qu’ils ont eux-mêmes dressé, l’équipe dirigée par le Dr Guillaume Baudry et le Pr Nicolas Girerd (Centre d’investigation clinique Pierre Drouin, à Nancy) propose une piste pour guider le suivi des patients en utilisant deux critères simples de sévérité : antécédent d’hospitalisation (et ancienneté), et prescription de diurétiques de l’anse. Quatre catégories de malades sont ainsi définies, avec des fréquences de suivi adaptées.
« Les recommandations actuelles préconisent un suivi basé sur la sévérité de l’insuffisance cardiaque, écrivent ces chercheurs dans un article publié dans le European Heart Journal. Toutefois, il n’existe pas de critères évidents ni d’algorithme validé pour estimer le niveau de sévérité d’un patient. » Historiquement, la prise de diurétiques de l’anse est associée à un mauvais pronostic, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, ils ne sont prescrits qu'en cas de décompensation sévère, ensuite, ils peuvent entraîner des effets indésirables parfois graves (hypovolémie, hyponatrémie, insuffisance rénale aiguë fonctionnelle…) et enfin, ils participent au cercle vicieux du syndrome cardiorénal. Une hospitalisation récente est aussi fortement associée à un risque de mortalité plus élevé.
Pour stratifier le risque, ils ont constitué, à partir des données du SNDS, une cohorte nationale française de 655 919 patients, dont le diagnostic d’insuffisance cardiaque (IC) avait été posé dans les cinq années précédentes. Quatre groupes ont été définis : ceux hospitalisés pour une IC il y a moins d’un an, ceux hospitalisés un à cinq ans auparavant, ceux non hospitalisés avec prescription de diurétiques de l’anse et ceux non hospitalisés sans prescription de diurétiques de l’anse. Ces quatre groupes rassemblaient respectivement 20,4 %, 27,6 %, 28,3 % et 23,7 % des membres de la cohorte.
Toutes les catégories de patients sont mal suivies
À un an, le taux de mortalité toutes causes était de 15,9 %. Le groupe ayant le risque de décès le plus faible était celui sans hospitalisation et sans prescription de diurétiques (8 % de décès toutes causes à un an). Par rapport à ce groupe, les patients non hospitalisés mais sous diurétiques de l’anse avaient 61 % de risque de décès en plus, ceux hospitalisés il y a plus d’un an avaient 83 % de risque en plus, et ceux hospitalisés il y a moins d’un an avaient un risque de décès plus que doublé (x 2,32).
Au cours de la première année de suivi, le taux de consultation en cardiologie était faible dans tous les groupes : 41 % des patients de la cohorte ne se rendaient pas à leur rendez-vous annuel. Les patients ont consulté un cardiologue deux fois en médiane au cours des 5 années de suivi. Les auteurs ont constaté que le fait de se montrer observant vis-à-vis de cette consultation annuelle réduisait significativement le risque de mortalité toutes causes (de – 6 à – 9 points). Selon leurs calculs, 11 à 16 consultations en cardiologie supplémentaires sont nécessaires pour éviter un décès. L’étude révèle également une prise en charge sous-optimale, notamment avec un faible taux de prescription des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes.
Un suivi à adapter selon la gravité
Selon les auteurs, un suivi optimal consiste en une visite annuelle chez un cardiologue pour les patients non hospitalisés et sans diurétique de l’anse, deux à trois visites annuelles pour ceux non hospitalisés et mis sous diurétiques ou hospitalisés il y a plus d’un an, et quatre visites annuelles pour ceux hospitalisés il y a moins d’un an.
« Un des avantages majeurs de cette classification est qu’elle repose sur des données administratives, ce qui facilite la mise en place automatique d’un suivi cardiologique adapté à la gravité de la maladie, sans nécessiter une intervention médicale directe », ajoutent les chercheurs qui préconisent une intégration de leur nouvel algorithme dans les systèmes de suivi de l’Assurance-maladie ou dans les plateformes de gestion des soins.
Enfin, les auteurs soulignent l’importance de renforcer la collaboration entre médecins généralistes et cardiologues, d’utiliser la télémédecine et d’éduquer les patients pour améliorer l’accès aux soins et optimiser la prise en charge. Des essais cliniques randomisés seront néanmoins nécessaires pour confirmer ces résultats et valider l’adaptation de la fréquence des consultations selon le risque individuel.
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