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Dossier

Congrès ACC

L'étude HOPE 3 recadre le débat sur les statines

Publié le 22/04/2016
L'étude HOPE 3 recadre le débat sur les statines

artériosclérose
SPL/PHANIE

Cette année, le congrès américain de cardiologie, qui vient de se tenir à Chicago, a fait la part belle au risque cardio-vasculaire. Avec, notamment, la présentation des résultats de l'étude Hope-3 qui confirment l’efficacité et la bonne tolérance des statines en prévention primaire et réaffirment l'importance du LDL-cholestérol.

Pour sa 65e édition, le congrès de l’American Collège of Cardiology (Chicago, 2-4 avril 2016) a été marqué cette année par la présentation (et la publication simultanée dans le NEJM) des résultats de l’étude HOPE-3 qui montrent qu’en prévention primaire, les statines - en l’occurrence la rosuvastatine - réduisent les événements cardio-vasculaires (CV) majeurs chez des patients à risque intermédiaire, quel que soit leur niveau de cholestérol.

Jusqu'ici, l'intérêt de la prévention primaire ne faisait guère de doute chez les patients à faible risque, qui ne requièrent pas de traitement pharmacologique, ni chez ceux à haut risque qui doivent être traités. L'incertitude persistait pour ceux à risque intermédiaire, chez qui l’intervention médicamenteuse n'avait pas fait la preuve de son efficacité. L'objectif de HOPE-3 était donc de comparer dans cette population l'abstention thérapeutique à la prescription de statines et/ou d'anti-hypertenseurs même lorsque les chiffres tensionnels et le LDL ne sont pas élevés.

Financé par le Canadian Institutes of Health Research et les laboratoires AstraZeneca, cet essai multicentrique a inclus 12 705 sujets à risque CV intermédiaire : hommes de plus de 55 ans ou femmes de plus de 65 ans ayant au moins un facteur de risque (FR) comme une augmentation du périmètre abdominal, un HDL bas, un tabagisme, une intolérance aux glucides, une dysfonction rénale modérée ou des antécédents familiaux de coronaropathie précoce, ainsi que les femmes de 60 à 65 ans ayant deux de ces FR. Les chiffres de PA et ceux du LDL n'étaient pas des critères d'inclusion.

Ces participants ont été randomisés pour recevoir soit 10 mg de rosuvastatine et/ou 16 mg de candesartan associé à 2,5 mg d'hydrochlorothiazide/jour, soit un placebo. Les patients étaient suivis pendant 5,6 ans, avec une mesure de la PA à 6 semaines, puis tous les 6 mois, et un bilan lipidique à 1 an, 3 ans et à la fin de l'étude.

 

Traiter 91 personnes pour éviter un événement


Les résultats les plus marquants concernent les patients sous hypolipémiants. Sous rosuvastatine seule, le LDL baisse de 26,5 % et les événements du critère primaire principal (décès d'origine CV, IDM, AVC) diminuent de 24 % (3,7 % vs 4,8 %) de même que ceux du 2e critère principal incluant aussi revascularisation, insuffisance cardiaque et arrêt cardiaque ressuscité (4,4 % vs 5,7 %). Le bénéfice en valeur absolue reste modeste, entre 1 et 2 %, ce qui est logique dans une population à risque modéré.

 

.Globalement, il faut traiter 91 personnes pour éviter un événement du critère primaire. Les résultats sont cohérents dans tous les sous-groupes. Pour le Pr François Schiele (CHU de Besançon), ce bénéfice est probablement lié à un effet de classe, avec un impact sur l'athérosclérose qui se manifeste vers la troisième année où les courbes se séparent avec une différence très significative au niveau des critères combinés, des AVC, des IDM ou des revascularisations.

La tolérance est bonne, sans augmentation des diabètes ni des cancers, avec un excès de symptômes musculaires sous rosuvastatine (5,8 % vs 4,7 %) mais n’entraînant pas plus d'arrêt du traitement ni de rhabdomyolyse. On signale un peu plus de chirurgies de la cataracte (3,8 % vs 3,1 %) un effet jusqu'ici non retrouvé dans les essais randomisés.
Les experts concluaient donc que « la rosuvastatine 10 mg/jour réduit significativement les complications CV dans une population ethniquement diversifiée, exempte de maladie CV et à risque CV intermédiaire ».

 

Le come-back du LDL


Les résultats de HOPE-3 concordent avec les autres essais où la baisse du LDL s'accompagne d'une réduction des complications CV, comme la méta-analyse du CTT dans laquelle chaque réduction d'1 mmol/L de LDL s'associe à une baisse de 25 % du risque CV, la MEGA study japonaise ou encore l’étude JUPITER qui montrait parallèlement à la baisse de 0,43 g/l du LDL une réduction du risque CV relatif de 44 % chez des sujets à risque intermédiaire sans élévation du LDL. HOPE-3 enfonce le clou et conforte le LDL- c comme facteur de risque d’athérosclérose.

 

Mais, dans le même temps, cette étude promeut une stratégie basée davantage sur le risque CV que sur le taux de LDL comme le préconisaient les guidelines américaines de 2013 ou celles du CNGE de 2014. En l’absence d’étude clinique validant une valeur cible de LDL-c, ces recos avaient proposé l’abandon de la cible thérapeutique de LDL-c au profit d’une graduation de l’intensité du traitement par statines, en fonction du niveau de risque CV du patient.
Une attitude loin de faire l’unanimité. « Ces recos préconisaient de baisser le LDL d'au moins 50 %, ce qui suppose de connaître sa valeur initiale, analyse le Pr Schiele. Elles se révélaient difficiles à appliquer en pratique, l'évolution des chiffres permettant aussi de stimuler la compliance. D'autre part, nous disposons maintenant avec l'ézétimibe et les inhibiteurs du PCSK9 de deux autres classes pour lesquelles le LDL garde sa place pour suivre et moduler l'intensité du traitement. » Des arguments qui n’ont pas échappé aux Américains qui pourraient bien faire marche arrière comme en témoigne un texte de consensus de l'ACC présenté à Chicago qui propose à nouveau de monitorer la réponse aux statines par la surveillance du LDL-c… Quoi qu’il en soit, les résultats de HOPE-3 sans aller aux « statines pour tous après 55/65 ans » focalisent l'attention sur la nécessité de la prévention primaire du risque CV et apportent des arguments rassurants sur leur tolérance.

Les résultats sont beaucoup plus mitigés concernant l’impact du traitement anti-hypertenseur qui n'a pas fait la preuve de son efficacité dans ce contexte. La PAS diminue de 6,2mmHg mais ne réduit pas les événements vs placebo. Une analyse préspécifiée hiérarchisant les patients en fonction du niveau de PA à l'inclusion montre que seuls ceux chez qui la PAS > 143,5 mmHg bénéficient de cette stratégie. Quant aux patients qui ont reçu à la fois antihypertenseurs et statine, la diminution de 29 % du risque CV est similaire à celle observée sous statine seule.

Maia Bovard Gouffrant