Faut-il proposer une coronarographie aux patients ayant une maladie coronarienne stable ? La question n'était jusque-là pas tranchée et deux approches, l'une interventionniste et l'autre conservatrice, ont cours.
Les conclusions d'ISCHEMIA (1), un essai international randomisé mené dans 37 pays avec le soutien de l'un des Instituts nationaux de la santé (NIH) américain (le National heart, Lung and Blood Institute), étaient très attendus. Présentés en novembre 2019 au congrès de l'American Heart Association, les résultats de cette étude de grande ampleur ont été publiés dans « The New England Journal of Medicine » à l'occasion de l'American College of Cardiology (28 au 30 mars).
Chez 5 179 patients coronariens ayant une ischémie modérée à sévère, l'équipe coordonnée par les Drs Maron et Hochman montre qu'à 3,2 ans de suivi médian, il n'y avait pas de différence concernant le risque d'événements cardiovasculaires ischémiques et la mortalité toutes causes entre le groupe traitement médical seul et celui lui associant une coronarographie.
Le critère principal de jugement était composite comportant la mortalité cardiovasculaire, l'infarctus du myocarde, l'hospitalisation pour angor instable, l'insuffisance cardiaque et une réanimation cardiorespiratoire. La mortalité toutes causes était l'un des critères secondaires.
Prévention secondaire intensive pour tous
Au cours du suivi médian de 3,2 ans, l'équipe a rapporté 318 événements dans le groupe stratégie invasive par rapport à 352 pour la stratégie conservatrice. À six mois, le taux cumulé d'événement s'est avéré de 5,3 % dans le groupe traitement invasif et de 3,4 % dans l'autre ; à cinq ans, les chiffres étaient respectivement de 16,4 % et 18,2 %. Il y a eu 145 décès dans le groupe stratégie invasive et 144 dans le groupe traitement médical seul, ce qui correspond à un taux d'environ 6,4 % dans les deux groupes à quatre ans.
Dans l'essai, les patients inclus présentaient une coronaropathie stable définie par une ischémie réversible modérée à sévère à l'imagerie d'effort ou une ischémie sévère au test d'effort sans imagerie. Étaient exclus les patients ayant une insuffisance rénale sévère, un syndrome coronarien aigu récent, une sténose du tronc commun gauche non protégée d'au moins 50 % ou une fraction d'éjection inférieure à 35 %.
Dans le groupe startégie invasive, la coronarographie était réalisée dans les 30 jours suivant la randomisation dans l'objectif d'obtenir une revascularisation complète de tous les territoires ischémiés si possible.
Dans les deux groupes, le traitement médical reposait sur une prévention secondaire intensive associant le mode de vie et un traitement médicamenteux optimal (anti-angineux, hypolipémiants, antithrombotiques, inhibiteurs du système rénine-angiotensine).
Des résultats corroborés dans l'insuffisance rénale sévère
Ces résultats sur l'angioplastie ont été corroborés chez 777 patients insuffisants rénaux dans une deuxième étude randomisée similaire, baptisée ISCHEMIA-CKD (2). Les taux de mortalité observés, à hauteur de 27 % à trois ans, étaient supérieurs à ceux d'ISCHEMIA, avec un risque d'événements triplé. Pour autant, la stratégie avec angioplastie n'a pas donné de meilleurs résultats que le traitement médical, que ce soit pour le critère principal (décès et infarctus du myocarde) ou pour le critère secondaire composite.
Concernant des critères moins « durs » comme l'angor et la qualité de vie, une analyse complémentaire d'ISCHEMIA (3) fait ressortir un bénéfice à l'angioplastie, dépendant de la fréquence des symptômes à l'inclusion, sachant que 35 % des participants étaient asymptomatiques. En revanche, dans une analyse complémentaire d'ISCHEMIA-CKD (4), aucun bénéfice sur l'angor n'est ressorti chez les insuffisants rénaux.
Pour les éditorialistes (5), il est possible que le suivi n'ait pas été assez long pour faire ressortir une différence. « Il est particulièrement important d'étendre le suivi des patients avant de perdre le contact », écrivent-ils. De plus, les auteurs d'ISCHEMIA soulignent que, dans une analyse secondaire, les résultats diffèrent sensiblement selon la définition de l'infarctus, montrant « un bénéfice au traitement conservateur tout au long du suivi », soulignent à leur tour les éditorialistes.
Malgré ces points d'incertitude, « la stratégie invasive ne semble pas être associée à une différence cliniquement significative du pronostic à quatre ans de suivi », est-il écrit dans l'éditorial. Cependant, l'angioplastie, qui semble plus efficace sur l'angor, semble « une approche raisonnable à n'importe quel moment pour soulager les symptômes », est-il ajouté. Et pour ce qui est des insuffisants rénaux, la stratégie invasive ne semble pas utile ni sur les événements cardiaques ni sur l'angor.
(1) D Maron et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa1915922
(2) S Banglaore et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa1915925
(3) J Spertus et al.NEJM.DOI:10.1056/NEJMoa1916370
(4) J Spertus et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa1916374
(5) E Antman et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMe2000239
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